Quand Pivot dégraisse le mammouth...

Attributs en tout genre

< mardi 13 janvier 1998 >
Chronique

On se souvient que Claude Allègre, en prenant ses fonctions de ministre de l'Éducation nationale, s'était fixé pour objectif premier de « dégraisser le mammouth ». Et chacun a encore en tête les réflexes, si l'on ose dire de défense, que cette formule « politiquement incorrecte » avait suscités dans le corps enseignant. Bernard Pivot aurait-il profité de la finale annuelle des Dicos d'or pour proposer ses propres solutions en la matière ? Car à qui fera-t-on croire que ce recyclage des « testicules séchés des mammouths » en ustensiles de pétanque pour ouistitis, évoqué dans la partie de sa dictée réservée aux juniors (voir notre édition de dimanche), ne faisait pas écho aux visées ministérielles susmentionnées ? Ne s'agit-il pas là, tout bien pesé, d'une forme efficace autant qu'expéditive de dégraissage, au risque, évidemment, de voir la profession concernée se féminiser un peu plus encore ? Était-ce, cela dit, une raison pour se gausser, même gentiment, de cet infortuné cadet qui, Dico d'or de sa catégorie, n'avait commis d'autre faute que de faire dudit testicule... un féminin ? Le pauvre, qui avait affaire à forte partie, avait peut-être tout bonnement eu les boules. De surcroît, reconnaissons avec lui que les équivalents familiers qui fleurissent spontanément sur les lèvres (si spontanément qu'il n'est point besoin d'en dire plus) sont presque toujours, eux, du féminin. La morale de cette histoire, c'est que chez Pivot personne n'est à l'abri d'une gamelle, encore moins d'un gamète mal identifié. Plus sérieusement, c'est ici l'occasion de rappeler que, bien souvent, le genre grammatical n'a rien à voir avec le sexe : le pistil ne constitue-t-il pas l'organe femelle de la fleur, quand son homologue mâle est paradoxalement désigné par la tendre étamine ? Voilà une introduction toute trouvée à la polémique qui oppose ces jours-ci l'Académie à nos ministres féministes, et sur laquelle nous ne manquerons pas de donner sous peu notre sentiment. D'ici là, recevez, chers lecteurs, et sans distinction de sexe aucune, nos meilleurs vœux pour l'année 1998 !