Pour un meilleur usage
des sacro-saints « éléments de langage »

< dimanche 3 juillet 2022 >
Chronique

La chose n’aura échappé à personne : on n’attend plus seulement de nos députés qu’ils votent, mais qu’ils parlent comme un seul homme. Mieux, on les y aide en leur fournissant des argumentaires préétablis.

À tant faire que de transformer les godillots d’hier en perroquets d’aujourd’hui, pourquoi ne pas en profiter pour rétablir au passage le sens véritable de certains mots, lesquels, employés à mauvais escient, n’exposent que trop souvent la parole publique aux ambiguïtés, voire à d’authentiques contresens ?

Nous nous contenterons d’un exemple et d’un seul, relevé dans la bouche d’une figure de la macronie, au soir du second tour des élections législatives. En dressant le bilan de celles-ci, la députée en question a pris acte des difficultés que ne manquerait pas d’engendrer désormais la présence, sur les bancs de la nouvelle assemblée, « de deux groupes d’opposition conséquents ».

Quiconque se pique de parler un français précis n’aura pas manqué de s’étonner de ce compliment décerné aux deux entités susdites, dans lesquelles on aura évidemment reconnu la NUPES et le Rassemblement national. C’est qu’à l’instar de leur chef de file, lequel se refusait il y a quelques jours encore à voir dans l’un comme dans l’autre des « partis de gouvernement », les soutiens du président sont d’ordinaire plus prompts à stigmatiser « les inconséquences » que recèlent leurs programmes ! Entendez par là les contradictions, les erreurs de jugement, le manque de cohérence qui sont à leurs yeux le propre des extrêmes.

Aurait-on délaissé la langue de bois au point d’apercevoir, dans le discours de ses pires adversaires, cette logique, cette suite dans les idées qui caractérisent la seule acception reconnue de l’adjectif conséquent ? N’allons pas triompher trop vite : notre élue aura usé de cet adjectif au sens — critiqué, chez Larousse comme chez Robert, mais non moins répandu — de « quantitativement important ». L’honneur est donc sauf : le nombre n’a jamais constitué une garantie de qualité ! Même si, en matière de démocratie…

Il n’empêche : les états-majors ne devraient-ils pas veiller à ce que leurs éléments de langage ne prêtent pas le flanc à de tels quiproquos ? C’est qu’il y va de leur propre intérêt, quand il serait entendu que ce dernier leur importera toujours moins que celui de la nation tout entière !