Quel fichu caractère, cette majuscule !

Oui, j'ai gardé l'accent...

< mardi 23 avril 1996 >
Chronique

Nous n'irons pas jusqu'à prétendre, pour céder à un jeu de mots facile, que la question revêt une importance capitale. Mais elle revient, lancinante, angoissée, confinant parfois à la supplique : faut-il vraiment accentuer les majuscules ? Voilà qui, c'est vrai, heurte à la fois nos habitudes et nos credo esthétiques. Quand les dictionnaires auraient depuis longtemps répondu par l'affirmative, quand éditeurs et imprimeurs s'y résoudraient de plus en plus, l'usager peste et renâcle, se cramponnant avec l'énergie du désespoir à la bonne vieille règle, bue cul sec sur les bancs de la communale : point d'accent sur une majuscule... Une règle, avons-nous dit ? Voire !

Si règle il y eut, elle devait plus, à notre sens, aux contraintes techniques de l'imprimerie d'hier ou aux lacunes de l'ancien clavier dactylographique qu'à des critères strictement linguistiques. À ces mêmes lacunes qui, soit dit en passant, nous ont longtemps privés du œ et du Ç... À présent que l'ordinateur nous en a affranchis (au prix de manipulations un tantinet malaisées, il est vrai !), au nom de quoi faudrait-il renoncer à être clair ? On n'a que trop souffert des équivoques qu'entraînait, dans certains cas, l'absence d'accents. Qui ne marque un temps d'hésitation face à ce genre de message : L'ASCENSEUR NE MARCHE PAS LES JOURS DE MARCHE ? Quel sens donner à la manchette : SEBASTIEN ARRETE ? Entend-on par là qu'il renonce à la scène ou qu'il a été mis en examen ? Si ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, la remarque vaut aussi pour la typographie... Dans cette rubrique, en tout cas, priorité sera toujours donnée à la précision. Pour peu qu'une de nos phrases commence par A priori, n'est-il pas souhaitable que le lecteur puisse d'emblée attribuer l'absence d'accent à l'origine latine de l'expression ? Ou préférerait-on qu'il l'imputât à la majuscule ?