De relais en relay...

La mondialisation à la H

< mardi 7 mars 2000 >
Chronique

Il est une photo de l'Occupation qui, plus que toute autre peut-être, donne la mesure de l'humiliation infligée à la France, il y a une soixantaine d'années : celle de ces panneaux en langue allemande, indiquant la direction de divers hauts lieux parisiens. Se trouva-t-il un Français de l'époque pour ne pas se sentir, à cette vue, meurtri dans sa culture ? Dépossédé de son patrimoine ? Exilé sur son propre sol ? Il faut croire que sur ce point nous sommes plus résistants (enfin, si l'on ose dire !) que nos grands-parents : chaque jour un peu plus, nos rues parlent une langue étrangère sans que personne songe à prendre le maquis. Il est vrai qu'en l'occurrence gagner Londres ne servirait de rien ! Il est vrai aussi que cette occupation-là a su se faire plus discrète, que nulle armée ne nous l'a imposée : au contraire, nous l'appelons de nos vœux, nous lui faisons fête, nous nous précipitons au-devant d'elle, impatients que nous sommes de nous métamorphoser, à notre tour, en rhinocéros (pas mort, Ionesco !). De ce conformisme intellectuel, vous voulez vraiment un exemple ? La mise au placard par Hachette de ses pourtant célèbres et appréciés Relais H, qui avaient fini par se fondre dans le paysage de nos gares et de nos aéroports, à deux pas du zinc et du café crème. Trop ringard, trop image d'Épinal sans doute. En un mot, trop français. Place donc aux Relay, et au charme indéfinissable de leur finale so British... C'est l'Académie qui doit en faire une tête, elle qui, depuis vingt-cinq ans, milite pour l'orthographe relai, plus conforme à l'étymologie (le s viendrait d'une confusion entre les verbes relayer et relaisser) ! Druon en a rêvé, Lagardère l'a fait...

Du 17 au 24 mars, à l'initiative (louable) du ministère de la Culture et dans le cadre de l'opération Le français comme on l'aime, chacun d'entre nous sera invité à jouer avec dix mots de notre lexique. Mais les Français aiment-ils encore leur langue ? Le groupe Hachette, en tout cas, quand il ne commercialise pas ses dictionnaires, préfère jouer avec les mots anglais. C'est tellement plus tendance...