À propos du fisc et de sa « cagnotte »

Les dessous du panier

< mardi 22 février 2000 >
Chronique

Avouons-le sans fard : il faudrait plus qu'une cagnotte de trente misérables milliards pour troubler celui qui s'intéresse un tant soit peu à sa langue maternelle ! Que nous apprend, en effet, l'étymologie ? Qu'avant de s'appliquer à une somme d'argent, autrement dit à un contenu, cagnotte a désigné un contenant, en l'occurrence la corbeille qui accueillait, autrefois, les mises des joueurs. Quoi d'étonnant, dès lors, à ce que le fisc en constitue une ? Voilà qui est manifestement conforme à sa nature : à y mieux regarder, ne descend-il pas, lui aussi, d'une corbeille, de ce fiscus latin dans lequel le collecteur d'impôts de la Rome antique recueillait l'argent des taxes ? Un tantinet iconoclaste, Bernard C. Galey pousse l'érudition jusqu'à préciser, dans son Étymo-jolie (éd. Tallandier), que fisc est de la même famille que faisselle, ce récipient percé de trous qui sert à égoutter le fromage : peut-on rêver plus belle métaphore pour le contribuable, pressuré jusqu'à la dernière goutte ? Loin de chercher des crosses au gouvernement, remercions-le plutôt de nous avoir rappelé par là que tous ces termes étaient à mettre, si l'on ose dire, dans le même panier. Une consolation de taille pour qui se plaint, actuellement, de ne plus avoir un... rotin. Une magistrale leçon de français, de surcroît, qui vient à point nommé gommer l'impair d'un Premier ministre confondant malencontreusement, à la tribune de l'Assemblée, la cassette d'Orgon avec celle d'Harpagon. Ou encore celui de Christian Sautter, lequel s'obstine à parler de « déclaration d'impôts » (La Voix du Nord du 16 février) là où « déclaration de revenus » serait plus adéquat. L'impropriété ne date pas d'hier, il est vrai, mais elle ne manque pas de surprendre sur des lèvres aussi expertes. Si l'on peut pardonner à certains ministres, plus accoutumés à la pêche aux voix qu'à l'élevage des moules, de ne point savoir comment se prononce conchyliculture, on serait en droit d'attendre d'un ministre de l'Économie et des Finances qu'il fît plus spontanément la distinction entre nos recettes... et nos dépenses !