LE FIN MOT

Et le marrainage, alors ?

Timbrés de l'orthographe n° 11
juillet 2015

Au moins autant que le bolos, pour lequel aura beaucoup fait la marionnette de Cécile Duflot aux Guignols ; qu'une lose qui n'aurait pourtant, à notre sens, rien perdu pour attendre ; ou qu'un bidou qui n'est là, nous vous en fichons notre... billet, que pour respecter le quota des québécismes, on se serait attendu à voir apparaître, parmi les mots nouveaux du millésime 2016 des Petit Larousse et Petit Robert, le marrainage.

Par les temps politiquement et sexuellement corrects qui courent, cette reconnaissance eût même participé de l'évidence. La tendance n'est-elle pas, depuis quelque temps, à chercher la femme partout où elle se terre afin de lui donner la place qu'elle a su se ménager dans notre société et qu'elle mérite sans conteste ? En d'autres termes, et au grand dam d'immortels dont la figure de proue met un point d'honneur à demeurer leur secrétaire perpétuel, à féminiser à tout-va ? Auteure, professeure et proviseure connaissent leur « eure » de gloire. Dans le sillage d'une ministre qui, reconnaissons-le, ne mangeait pas de pain, la maire est entrée dans les mœurs (espérons seulement qu'aucune ne s'appelle Denis, c'est pour le coup qu'elle se prendrait pour une Vedette). Quant à nos gazettes, elles ne reculent plus guère devant la cadre, la membre du conseil municipal (authentique bras d'honneur à celui qui se croyait viril pour l'éternité), voire la parent d'élève ! Peu importe que la syntaxe n'y retrouve pas toujours ses petits, du moment qu'on y aperçoit des petites, la morale sociale est sauve...

Mais revenons à nos brebis : n'est-ce pas, au premier chef, un crime de lèse-féminité que ce parrainage qui s'entête, contre vents et marées, à valoir pour les deux sexes ? La religion, certes, nous a accoutumés à voir dans ce terme — et les dictionnaires lui ont, sans barguigner, emboîté le pas depuis lors — la « fonction du parrain ou de la marraine ». C'est égal : n'y a-t-il pas quelque chose d'offensant pour une femme, ou à tout le moins de réducteur, dans le fait de devoir « parrainer » quelqu'un ? Ne serait-il pas temps, là comme ailleurs, que celle-ci s'affranchît de la tutelle masculine ?

C'est peu dire qu'elle l'a déjà fait sur la Toile, comme d'ailleurs dans le langage de tous les jours. L'Académie elle-même recensait déjà ce « marrainage » dans son supplément à la sixième édition du Dictionnaire, en... 1835 ! C'était moins, on s'en doute, pour lui ouvrir sans arrière-pensée ses pages que pour dénoncer le caractère trivial du terme, mais il n'empêche !

Voilà qui apparaîtrait, en outre, comme un juste retour des choses, le parrain devant tout à la marraine sur le plan orthographique. À en croire, en effet, le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, l'intéressé se serait, à l'origine, plutôt écrit parin ou parrin (du latin populaire patrinus), et ce n'est qu'en subissant l'influence de sa partenaire ès fonts baptismaux qu'il aurait, par la suite, été gratifié d'un « a » ! Cela ne devrait-il pas lui inspirer la reconnaissance du ventre ?

Mais brisons là, on finirait par croire que nous sommes nous aussi partisan déclaré de la féminisation tous azimuts. Même pas vrai ! Tout au plus assoiffé de cohérence. Car il n'est que trop clair qu'en la matière qui peut le plus peut le moins...

 

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