Le portrait du dimanche

Timbré de langue française,
Bruno Dewaele
s'en prend même aux élus !

par Amélie Vermeulen
La Voix du Nord
11 novembre 2012

Cinq ans qu'il officie. Cinq ans que les élus tremblent. Devenue un incontournable des manifestations du Téléthon, à Hazebrouck, la Dictée des élus (prévue vendredi) est, depuis le début, signée... Bruno Dewaele. L'unique champion du monde d'orthographe. À quelques jours de l'exercice, rencontre avec un as de la langue française, pour ne pas dire « un malade ».

 

Ce jour-là, quand nous le rencontrons, il vient de terminer le « premier jet ». Alors que l'échéance approche — elle est prévue vendredi —, la dictée du Téléthon prend forme, sous la plume de Bruno Dewaele. Sans rien dévoiler de son thème, l'Hazebrouckois concède : « À la deuxième ou troisième lecture, je peux corser un peu. Mais moins j'ai le temps de raffiner, mieux ça vaut pour eux. »

Eux, ce sont les élus de la région d'Hazebrouck, d'ordinaire nombreux à jouer le jeu. À redevenir élèves, le temps d'une dictée, pour la bonne cause, parce qu'on parle du Téléthon. Bruno Dewaele salue l'effort, « c'est toujours un peu angoissant de se retrouver devant la feuille ». C'est sans doute plus angoissant encore d'avoir devant soi cet enragé de la langue française. L'unique champion du monde d'orthographe.

Des dictées, le professeur de lettres au Lycée des Flandres en écrit régulièrement, pour des municipalités ou pour des œuvres. Celle d'Hazebrouck, c'est différent. Elle s'adresse à des élus, l'ambiance se veut bon enfant. D'ailleurs, « elle sera plus facile cette année ». On a envie de sourire. Il le dit tous les ans. Et chaque année, quand il commence la lecture, les visages s'allongent. Les rires deviennent nerveux. En même temps, confie-t-il, « quand ils ne font pas de fautes, c'est un échec personnel ».

L'échec ne fait pas partie de son programme. Perfectionniste jusqu'à l'obsession, Bruno Dewaele ne cache pas un goût prononcé pour la compétition. Celui qui a « toujours été dispensé de gymnastique » s'est tourné vers la langue française, pour laquelle il était mieux taillé. C'est devenu son domaine d'excellence. « Petit, déjà, j'étais bon en dictée, je lisais énormément. » Les Sylvain et Sylvette, les « Bibliothèque rose », les « Bibliothèque verte »... il a tout dévoré. « J'avais déjà l'habitude d'aller feuilleter mon petit dictionnaire, qui restait près de moi, dans un coin du fauteuil ! »

Un usage alors modéré qui s'est transformé avec le temps. Et le début des compétitions. Des heures et des heures nez à nez avec Larousse, Robert et les autres. Cette fois, nous sommes dans les années quatre-vingt à quatre-vingt-dix.

L'effet boomerang

L'Hazebrouckois reste aujourd'hui l'unique champion du monde d'orthographe. Un titre décroché en 1992, « dans la grande salle des Nations unies, à New York », lors d'une superfinale qui a rassemblé 240 concurrents de 112 pays. L'épreuve n'a jamais été répétée. Bruno Dewaele, jamais détrôné.

De cette aventure, il garde un souvenir merveilleux, des coupures de presse à ne plus savoir qu'en faire et une notoriété qui ne l'a jamais vraiment quitté. Le revers de la médaille, « c'est qu'on vous regarde à la loupe. » D'autres amoureux de la langue française, aussi mordus que lui, sont aux aguets, prêts à dégainer. Un milieu plus féroce qu'il n'y paraît, fait de « gens très minutieux, parfois procéduriers ».

La parade ? « Rester sur ses gardes, toujours. » Une vigilance de mise quand il écrit ses chroniques pour notre journal, quand il poste ses billets sur son blog ou même quand il rédige cartes postales ou de visite. Toujours. Tout le temps. La plus petite erreur le fait pâlir. Il n'en compte quasiment pas à son actif. « Il faut voir toutes les précautions que je prends en amont », glisse-t-il. Élevé à la baguette par un père musicien, Bruno Dewaele a hérité d'un « certain sens du perfectionnisme ». Un sens certain, on a même envie de dire.

 

Retrouvez cet article (avec les photos qui l'accompagnent) dans sa présentation originale, tel que La Voix du Nord l'a publié : Timbré de langue française, Bruno Dewaele s'en prend même aux élus !