Des fleurs pour les champions

Micheline SOMMANT et Bernard PIVOT
finale à l’ONU, New York
championnat du monde 1992

Aux jeux Olympiques d’Albertville, le tracé de la descente a été modifié pour épargner des ancolies, dont certaines espèces sont menacées de disparition. Devant cette initiative, qui eût songé à se récrier ? Ce virage ajouté révèle un autre tournant, phénoménal, inouï : la volonté des hommes de mil neuf cent quatre-vingt-douze de ne plus sacrifier la nature à un hédonisme aveugle.

« Que la montagne est belle ! » chantait-on en chœur. À condition que soient sauvegardées les marmottes et les belettes fauves, préservés les gypaètes barbus, protégés les écureuils acajou et les mouflons aux cornes hélicoïdales. À condition encore que les gentianes bleu violacé et les edelweiss argent, continûment effleurés par la brise, ne soient pas considérés comme de la roupie de sansonnet.

Prenons exemple sur les viticulteurs qui bichonnent leurs vignes aux sarments noueux et aux pampres vrillés et qui, lorsque le cep choit, le relèvent avec un échalas.

Respectons les saisons, qui d’ère en ère se sont succédé, tout entières jalonnées par le frai, la nidification et, aux prémices attendues de l’été, par la transhumance.

Lorsqu’ils se sont élancés des cimes et des faîtes, les skieurs olympiques ont-ils eu une pensée pour la petite ancolie ? Tels des genets d’Espagne, des rennes du Canada ou des élands d’Afrique, ils se sont rués tout schuss vers la ligne d’arrivée.

Pareils à des satyres gracieux ou à des zeuzères tachetées de bleu, les patineurs se sont laissé porter par la magie des glaces, virevoltant sur les carres affûtées de leurs patins, réussissant des triples axels pour égayer d’or leurs tenues amarante, rouille ou écarlates.

Mais la plus belle médaille ne revient-elle pas à la Nature ?

 

TESTS

1) Près d’un mur habillé de ruines-de-Rome et d’un bouleau qu’habitait un tétras-lyre, des souffre-douleur et des sans-le-sou se livraient au plus bruyant des remue-ménage pour des hémérocalles et des queues-de-renard à demi fanées qu’ils se disputaient, quand tout à coup une voiture sous-vireuse surgit et provoqua en un tournemain un méli-mélo tel que tous échouèrent bientôt dans des rocking-chairs pour y déguster des couques.

2) Dans un terrain jonché de cenelles où croissaient des matthioles et des grémils, des psylles chantaient sur des roches scissiles non loin d’un palais aux portes de lumachelle d’où ne sortaient ni des airedales, ni des monstres phocomèles, mais de simples touristes valdôtaines mâchant du bétel et qui portaient des colliers de puntarelle.

3) Si vous avez quelque appétit, vous souperez d’un chaudeau ou d’un gaspacho. Ensuite vous dégusterez des hâtelettes, du pemmican, des éclanches puis des tacauds, des brèmes et des sciènes. Des géromés et des soumaintrains vous chatouilleront le palais. Enfin, que diriez-vous, pour le dessert, d’une douzaine de gimblettes avec des toutes-bonnes ? Nul zython sur, nul oxycrat, pas le moindre rancio pour arroser le tout, mais un château-lafite et des bourgognes.

 

N.B. Bruno Dewaele est le seul candidat à n’avoir commis aucune faute à la dictée et aux trois tests.