Une garden-party réussie

Micheline SOMMANT
finale à RTL
championnat de France 1985

Hormis un maître queux eczémateux et un sommelier grippé, serveurs et cuisiniers s’étaient rassemblés pour préparer la garden-party du maître du château, un de ces traditionalistes schizophrènes en vogue.

Quoique la cuisine fût spacieuse, que l’on n’en conclue pas qu’elle pût contenir tout le personnel ! S’en étant rendu compte, d’aucuns avaient obligeamment aménagé l’un des rez-de-chaussée menaçant ruine et, à cette occasion, l’avaient décoré avec des torréfacteurs vieillots, des hache-viande surannés et des coquemars bosselés. Là, tous s’étaient affairés pour honorer les invités, amateurs de bonne chère. Certains, aux fourneaux, s’étaient époumonés pour quatre dixièmes de seconde perdus par un gâte-sauce, d’autres s’étaient empressés d’aplatir des pâtes jaune pâle. D’autres encore aillaient à qui mieux mieux des gigots ou tartinaient de raisiné des tranches de pain bis.

Chacun applaudit quand les mets furent fin prêts. Le châtelain, s’étant mis sur son trente et un, se pâmait déjà, à l’affût d’éloges dithyrambiques. Mais, à son grand dam, il n’en fut pas ainsi. Les chicons ravigote, quelque excellents qu’on les trouvât, ne revigorèrent personne, pas plus que les scorsonères pourtant assaisonnées. Les ballottines, si alléchantes se fussent-elles avérées, étaient avariées ; les oignonades s’étaient ratatinées en cuisant, et la montagne de poulpes aromatisés n’avait pas crû par l’ajout des crèmes, mais s’était brusquement affaissée, faisant basculer la pyramide des tartines.

La sommellerie laissait à désirer : point de ces crus gouleyants ni de ces résinés si parfumés dont tous avaient rêvé ! Les fûts fuyaient ; les verres, ébréchés, étaient de véritables dangers, et les serveurs, terrorisés, s’étaient enfuis !

Tant d’événements provoquèrent l’indignation des invités, qui, après s’être plu, souri, congratulés, parlé et interrogés, s’étaient hardiment saisis de butyreuses religieuses et les avaient effrontément lancées à la face de leur hôte interloqué.

C’eût été si facile de faire des œufs au plat !

 

TESTS

1) Ayant lustré ses crins d’archet avec de la colophane précédemment versée dans un pincelier, ce luthier plein de jugeote interpella dans la foule pullulante, imbécilement agglutinée, un véloce violoneux qui excella dans une ballade alambiquée.

2) Le ménage du musée s’achevait par le nettoyage des clepsydres empoussiérées, des cothurnes vieillis, de plusieurs sesterces noircis, des balustres patinés et de deux drapeaux : l’oriflamme royale et l’aigle impériale, pièces fameuses de ce musée.

3) Des chevaux aubères, des juments baies, deux poulains alezans, trois chevaux louvets et deux autres rouans occupaient les écuries.

4) Dans le tréfonds d’un galetas où couraient des cancrelats, un hachis, un salami, un salsifis et un clafoutis étaient posés sur la fenêtre d’où montaient les bribes d’un galimatias.

5) On ne voyait, dans la collection de ce naturaliste, que les petits de certains animaux : des lapereaux, des levrauts, des canardeaux, des saumoneaux, des fauconneaux, des nourrains et des outardeaux.

 

N.B. Bruno Dewaele l’a emporté avec une faute et demie à la dictée : ses résinés parfumés ressemblaient à s’y méprendre au raisiné du deuxième paragraphe. Quant à l’expression se mettre sur son trente et un, il l’a gratifiée d’un trait d’union, suivant en cela le TOP (Toute l’orthographe pratique, d’André Jouette) de l’époque. Las ! ce dernier ne faisait pas partie des ouvrages de référence...