ON EN PARLE

Le sport, royaume du vice ?

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Numéro 512
octobre 2022

Il n'est pas rare qu'un lecteur d'ici ou d'ailleurs s'émeuve d'entendre donner du « vice-champion olympique » à un médaillé d'argent ou du « vice-champion de France » au club de football qui est parvenu à boucler son championnat dans le sillage immédiat d'un PSG que ses moyens ont rendu quasi intouchable.

Ce ne sont pas les intéressés qui s'en plaindront. Si, le plus souvent, la place du c… revient au quatrième, c'est-à-dire à quiconque échoue, selon la formule consacrée, « au pied du podium », celle du deuxième (et plus encore du second, puisque cela signifie pour d'aucuns qu'il n'y en a pas derrière) n'est guère plus affriolante. Voilà qui permet déjà au vaincu de goûter par procuration à la gloire du vainqueur !

On ne peut plus même dire que la chose soit illicite : la Toile, par le biais des nombreux dictionnaires qui la peuplent, comme le Petit Larousse illustré ont sans barguigner ouvert leurs portes au vice-champion, « second d'un championnat, en sports ou dans un jeu ». C'est dire si l'on a oublié ce qu'était la vocation première de la particule vice-.

À en croire en effet le Dictionnaire historique de la langue française, ce petit mot n'était autre, à l'origine, que l'ablatif du latin vix, vicis, lequel signifiait « succession ». Il s'employa dès le XIIIe siècle devant le nom d'une fonction ou d'un titre (vice-chancelier, vice-amiral, mais aussi, quoique de façon moins apparente, vicaire, vicomte et vidame) pour signifier, conformément à cette étymologie, « en second, en remplacement, à la place de ». Ce sont ces notions de coopération et de suppléance que continuent de mettre en avant Hanse et Robert, ce dernier proposant même pour synonymes adjoint et remplaçant.

Qui ne verrait pourtant que, si elle reste d'actualité pour un vice-président des États-Unis appelé à assumer les fonctions du Président en cas de coup dur, cette connotation-là n'a plus cours dans le domaine sportif où le deuxième, bien loin de… seconder le premier, a passé son temps à lui mettre des bâtons dans les roues ! Pas davantage question de lui succéder ni de récupérer son titre, on l'a vu lors de la déchéance de Lance Armstrong, sept fois vainqueur du Tour de France de 2001 à 2007.

Il est trop tôt pour savoir si nos immortels entérineront cette extension de sens dans la neuvième édition de leur Dictionnaire, la précédente en étant restée à « qui tient la place, qui supplée dans certaines fonctions ». Mais ce qu'on lit sous la plume de certains qui parlent en leur nom, par exemple dans la rubrique Dire, ne pas dire (« Le vice-champion a terminé à la seconde place du championnat. Ainsi, lors des Jeux olympiques, les médaillés d'argent sont également appelés vice-champions olympiques »), laisse penser que ce sera le cas.

L'occasion de vérifier que, quand la Coupole propose, le sport dispose !