Et si le gnome était l'avenir de l'homme ?

(Comines - 2012)

Il est heureux qu'à l'époque bénie des contes de fées le politiquement correct n'ait pas eu cours. Vous savez, cette manie que l'on doit aux puritains d'outre-Atlantique et qui, sous prétexte de ne chiffonner personne, tend à faire d'un coiffeur un « conseiller en capilliculture », d'une vieille fille une « famille monoparentale sans enfants », voire du crash d'un avion de ligne un « retard indéterminé »... Rebaptisés « personnes de petite taille », de quoi auraient eu l'air nos lutins et nos farfadets ? Il y a gros à parier qu'ils n'en seraient pas sortis grandis ! Quant à la vilaine sorcière, eût-elle hanté nos cauchemars avec le même brio si, au lieu qu'on la dît laide, on l'avait seulement trouvée « esthétiquement différente » ?

Par chance, il n'en a rien été. À la disgrâce physique ne sera pas venue s'ajouter la fausse délicatesse, pas plus que cette kyrielle d'euphémismes hypocrites qu'elle tire à sa suite. Partant, nos nains sont restés dignes, nos djinns toniques. C'est qu'aux âmes bien nées la valeur n'attend pas le nombre des centimètres ! Combien de pachydermes ont dû, toute honte bue, battre en retraite devant un inoffensif muridé ? Combien d'ogres mal léchés se sont vu chourer leurs bottes de sept lieues par des avortons hauts comme trois reinettes ? Combien de cyclopes, pour avoir cru dévorer sans coup férir les demi-portions qu'ils avaient réussi à enfermer dans leur antre obscur, se sont finalement fourré le doigt dans l'œil ?

Que l'on renonce à appeler un chat un chat, et les moins marris ne seront pas ces jusqu'au-boutistes qui, nullement rassasiés, vont à présent se colleter avec le dernier paragraphe. Ceux-là n'ont-ils pas de toute éternité, sur le balcon de leurs heures perdues, cultivé le mot rare comme bonsaï dans son pot ? Belges ou non, ils adorent l'éfrit. Il suffit de parler d'elfes pour leur mettre les sens en ébullition. Enfants, ces drôles qui ne juraient que par les trolls jouaient aux kobolds et aux Indiens : ados que la sève asticote, ils préféraient les péris pathétiques aux péripatéticiennes : pourquoi voudriez-vous que, parvenus à un âge où l'on se prétend volontiers lessivé, ils acceptassent d'être privés de leurs génies sans bouillir ?

 

TESTS

Juniors et seniors amateurs écriront sans se tromper ces titres de contes de fées célèbres :

- La Pâquerette, Le Montreur de marionnettes, Le Cercueil de verre, L'Abécédaire, La Théière (fin pour les juniors) ;

- L'Oiseau Phénix, La Dryade, Les feux follets sont dans la ville, La Psyché, Le Scarabée stercoraire.

Les seniors professionnels se frotteront, pour leur part, à ces dix mots, avec l'espoir que la fée qu'ils abritent les inspirera :

- néphélion, féra, sphénisque, céphéide, phéophycée, toffee, fœticide, coryphée, orphéoniste, phénylalanine.