Charlie, tu iras au paradis !

(Merville, 1989)

Voilà quelque douze ans que tu as plié bagage, raccrochant au portemanteau du septième art ton infatigable melon... Certains, non sans raison, ont souligné que cet épilogue tenait du conte de fées : s'affaisser ainsi, au zénith de sa gloire, dans la tranquillité d'une nuit de Noël, n'est-ce pas là une fin que les plus exigeants eux-mêmes réclameraient à cor et à cri ? D'autres, pour la millionième fois, se sont donné la peine de rappeler que ta carrière, commencée au milieu des sans-abri londoniens, s'était achevée sous de bien meilleurs auspices, parmi les hauts-de-forme et les cols de vair. Mais la plaidoirie, tout édifiante qu'elle est, ne nous convainc aujourd'hui qu'à moitié. Combien nous préférerions qu'il s'agît, en l'occurrence, de la fausse sortie du baladin ! Et comme il nous tarde de te voir réapparaître, clopin-clopant, trottinant de cette démarche asymétrique, distinguable entre toutes et si pleine de ta bonhomie !

Au reste, le roi des boute-en-train peut-il mourir ? Qu'adviendrait-il de ces beautés dont tu t'enamourais pour les soustraire, ensuite, aux raclées de goujats misogynes ? De ce môme joufflu dont les bleus au coccyx devaient plus aux inévitables coups de pied des mufles qu'à la fréquentation des toboggans ? De ce bâtard à poil ras enfin, qui comme toi paressait, voire sommeillait sur les seuils ? Nous n'oublierons pas de sitôt, quoi qu'il en soit, ces scènes d'anthologie dont les trois quarts des ciné-clubs se sont goulûment emparés : les va-et-vient du globe entre les mains d'un tyran gonflé d'orgueil ; le chalet vacillant, où s'attrapent les trappeurs et que menacent des abîmes verglacés ; les volte-face du millionnaire, à coup sûr moins philanthrope dès lors qu'il est à jeun !

Mais le pèlerin ne revient pas. Aurait-il déniché un havre plus idyllique, loin du travail à la chaîne que se sont vu imposer ses semblables ? Si oui, quelque déçus que nous soyons tous, nous sommes bien aises pour lui. Comme pour tous ceux qui, là-haut, et plus ou moins ingénument, se sont plu à le retenir...

 

TESTS

1) La bouquetière aveugle raffolait des fleurs sans en avoir jamais vu : à l'effluve plus ou moins prononcé que dégageaient ces dernières, elle appréciait notamment les dahlias, les fuchsias, les zinnias, les paulownias et les forsythias. Mais ses préférences allaient aussi aux plus épanouis des chrysanthèmes, aux narcisses un peu courbés ainsi qu'aux azalées, même rabougries.

2) Qu'ils fussent crépus, crêpelés ou en broussaille, blonds, noir de jais, châtains, poivre et sel ou auburn, les cheveux n'avaient aucun secret pour le capilliculteur du ghetto : jamais, en tout cas, il ne se les serait arrachés, pourvu qu'il ne rencontrât ni eczéma ni séborrhée !