La coupe est pleine

(Nivelles, 1998)

Flûte, alors ! On ne peut même plus coincer la bulle en toute tranquillité... Les vapeurs enivrantes de la Coupe du monde ne sont pas dissipées que déjà des rabat-joie, soucieux de faire oublier les contre-performances qui furent les leurs, s'autorisent, à contretemps, quelques tacles appuyés : c'est ainsi qu'au dire de soi-disant spécialistes londoniens le champagne ne serait pas une invention française, mais bel et bien britannique. Quand on conclurait à un canular et que l'on soupçonnerait les intéressés de s'être fait mousser, la nouvelle, tout invraisemblable qu'elle paraît, n'en a pas moins mis l'Hexagone en effervescence : cette fois, le bouchon a été lancé trop loin !

C'est surtout là-haut, dans l'empyrée hanté par dom Pérignon et ses frères lais, qu'a crû le charivari : quelle chienlit ! S'il se pouvait, l'on y attraperait par le colback ces iconoclastes œnologues pour les pousser, san-benitos sur le râble, dans de moyenâgeux culs-de-basse-fosse ! Pour tout dire, il n'est pas un moine, fût-il déchaux, que la galéjade ait laissé froid : on ne compte plus les urticaires, les lipothymies, voire les épistaxis qu'elle a déclenchées. D'aucuns souffrent même de chorée, du nord au sud d'un paradis qui, pour un peu, se muerait en pandémonium ! Il est vrai que rien ne saurait être trop dur pour qui s'en prend ainsi à notre moût...

Quel stomoxe a piqué nos voisins d'outre-Manche ? Il ne leur suffit plus de nous avoir offert la plupart des sports, il faut que notre doit inclue aussi la roteuse et le réhoboam ? Vous verrez qu'un jour, non contents de chambrer, l'œil pétillant, notre pinard, ces ratiocineurs s'installeront dans le fromage et nous démontreront, bonnes pâtes, que le neufchâtel vient de Cornouailles, et notre bleu d'Écosse ! Et s'ils se sont refusés jusqu'ici à revendiquer votre Manneken-Pis, c'est qu'ils ne savent, chers amis belges, par quel bout le prendre ! Hâtons-nous donc de jouer avec notre langue — son hypallage hardie, son oxymore si fier, son hendiadyin si osé —, de peur d'apprendre bientôt qu'elle aussi nous a été servie sur un plateau par Albion...

 

TEST

Tomber sous la coupe d'un Anglais ? Autant la boire jusqu'à la lie ! Oubliant sa couperose, le bénédictin fit sortir les coupe-coupe et les coupe-choux avant de courir sus à tous ces coupe-jarrets. Mais brisons là pour les plus jeunes, de peur qu'ils ne se fassent hacher menu par le couperet de l'orthographe...

Les autres, à qui il n'a pas échappé que, chez ce cellérier prétendument benoît, tout — jusqu'à son nom ! — finit par des gnons, s'exposent, en continuant, à une constellation de horions  : ne devront-ils pas emboîter le pas, des fonts jusqu'à l'ambon, à ce girond et rubicond moinillon alors qu'il peste, au milieu des répons, contre ces rodomonts anglo-saxons, plus pâlichons que folichons ? Mais bon ! Voilà que de ce texte abscons ils sont sauvés par le gong...

Quant aux kamikazes de la troisième catégorie, ils connaissent l'échanson, et ce n'est pas un rhyton qui leur fera boire le bouillon ! L'étymon les met à l'abri des coups de barre, et il faudrait plus que ce centon de pièges bidon pour que ces fins lettrés sortissent de leurs gonds. Ni les dugongs, ni les ouaouarons, ni ces joyeux drills que sont certains papions, ne scieront le scion sur lequel ils sont assis. Que voulez-vous ? Ce sont des champions !