À la fortune du mot

< mardi 14 juin 2005 >
Complément

Loin de nous l'idée de mêler notre voix au concert de celles, autrement autorisées en la matière, qui nous expliquent depuis quinze jours pourquoi la France a voté non. Plus loin encore le dessein de tirer la couverture à nous, en cherchant — et donc en trouvant — des justifications d'ordre linguistique à ce rejet franc et massif. Eussions-nous même dans ces colonnes, et à plusieurs reprises, attiré l'attention de nos lecteurs sur la coupable propension de l'Union européenne à sacrifier sans vergogne, dans la plupart de ses instances, le plurilinguisme au « tout anglais », nous nous garderons d'affirmer que ce détail ait pu peser, fût-ce à l'échelon subliminal, dans la décision des Français. Reconnaissons-le d'ailleurs humblement : celle-ci ne manquait pas d'autres sources auxquelles s'abreuver... Cela dit, que l'on ne compte pas davantage sur nous pour bouder notre plaisir lorsque nous découvrons, dans des propos récents de Pierre Nora, un peu plus qu'un écho à nos préoccupations personnelles ! L'historien et directeur de la revue Le Débat ne déclarait-il pas au Monde, le 4 juin, que nous payions là « la ringardisation systématique de la moindre manifestation d'attachement à la nation » et que nos gouvernants auraient été bien inspirés de montrer, « pour commencer, un vrai souci du patrimoine national identitaire » ? Et ce partisan du oui d'ajouter : « Un seul exemple, la langue, qui est certainement un élément fondamental de l'expression nationale. Il aurait été sans doute possible, surtout avec l'élargissement, de faire du français la langue de référence des traités européens. Le monde juridique international s'y montrait favorable. Il a manqué la volonté politique au plus haut niveau. » À peu de chose près, nous aurions pu tenir la plume...