À l'occasion de la libération de Paris

Parlons franc !

< mardi 25 août 1998 >
Chronique

Comment, en ce 25 août, ne pas rendre hommage à nos francs-tireurs, ne serait-ce que sur le terrain linguistique ? L'occasion est belle, en effet, de rafraîchir les mémoires en matière de pluriel des mots composés, et plus particulièrement de ceux qui commencent par franc. Aucun problème pour les noms masculins, lesquels, à l'image de franc-tireur, prennent invariablement (si l'on ose dire !) la marque du pluriel aux deux éléments : des francs-bords, des francs-parlers. La chanson n'est déjà plus la même pour franc-comtois et franc-maçon. Tant que ces deux-là restent au masculin, ils obéissent, qu'ils soient substantifs ou adjectifs, à la règle susdite : les Francs-Comtois, des notables francs-comtois ; les francs-maçons, des symboles francs-maçons. Au féminin, en revanche, la tradition veut que le premier élément ne varie jamais, ni en genre ni en nombre : une Franc-Comtoise, des horloges franc-comtoises ; une franc-maçonne, les influences franc-maçonnes. Le tableau ne serait pourtant pas complet si, des plus sadiquement, nous ne soulignions ici l'anarchie qui préside à la formation du pluriel de franc-maçonnique, dès lors que celui-ci qualifie un substantif masculin : Girodet l'aligne sur franc-maçon (des symboles francs-maçonniques) quand Thomas et Jouette, sous prétexte, sans doute, que le deuxième élément est lui-même un adjectif, prônent l'invariabilité de franc (des signes, des rites franc-maçonniques). Quant aux dictionnaires, ils se réfugient dans la clandestinité, le Petit Larousse illustré ne citant pas l'adjectif en question (il est vrai qu'il peut toujours être remplacé, et avantageusement, par le seul maçonnique), le Petit Robert le citant mais n'en donnant pas le pluriel ! Là comme ailleurs, la simplification semble de toute façon en marche : combien de temps encore résisteront Franc-comtoises et franc-maçonnes quand on sait que les grand(s)-mères, les grand(s)-messes et les grand(s)-tantes, lasses de jouer les francs-tireurs, ont rallié depuis plusieurs années l'armée régulière des éléments autorisés à s'accorder ?