En matière de covid,
on fait ce qu'on peut...
mais on n'est pas des bœufs !

< dimanche 22 mai 2022 >
Chronique

Avec le joli mai, voici revenu le temps béni des « mots nouveaux », indéracinable marronnier pour les médias de tout bord, passage quasi obligé pour des dictionnaires forcément soucieux d'écouler leurs stocks.

Parce que vous les verrez et entendrez partout ailleurs, et dix fois plutôt qu'une, vous ne les retrouverez pas sous cette rubrique, pas plus que vous n'aurez à affronter les pesantes considérations pseudo-philosophiques qui les escortent généralement. Plutôt que de vous infliger la longue liste de vocables « prémâchée » (curieux : ce dernier n'est ni chez Larousse ni chez Robert) par l'AFP, nous nous bornerons à une seule de ces nouveautés, qui nous paraît hautement représentative de la démarche : le « covidé ».

Avouons-le sans fard : celui-là, quand nous l'avons rencontré pour la première fois, il y a quelques mois, au hasard d'un article de presse, nous avait arraché un sourire. Au même titre, en son temps, que le pittoresque « quinzomadaire », lequel était censé donner un sacré coup de vieux à notre bimensuel des familles. Inutile, du moins nous l'espérons, de préciser que, loin d'être un pisse-froid, l'auteur de ces lignes n'a rien contre cette façon de jouer avec les mots et de faire vivre la langue. Aligner le covidé sur le grippé, avec un clin d'œil au bovidé, après tout, pourquoi pas ? Ceux qui sont suffisamment âgés pour se rappeler qu'un certain de Gaulle voyait dans les Français des veaux aux instincts grégaires en auront même tiré de rassurantes conclusions pour ce qui est de cette immunité collective tant espérée !

De là à ce que le Petit Robert ouvrît ses estimées colonnes à cette plaisanterie de potache, il nous semblait pourtant y avoir un pas que, personnellement, nous aurions hésité à franchir. À l'heure où le « wokisme » (autre mot de la cuvée 2023, soit dit en passant) nous fait un devoir de boycotter nombre de mots défavorablement connotés, réputés attentatoires à la dignité de l'humain, est-il bien nécessaire d'aller en forger de nouveaux, guère plus valorisants pour la dignité susdite ? Pas sûr que, lors de la prochaine vague, l'étiquette covidés soit en effet de nature à requinquer la file des infortunés qui s'entendront proposer un séjour en réanimation...

Ne peut-on attendre d'un dictionnaire qu'il distingue entre le bon mot d'un jour (il y a d'autres ouvrages pour ça) et celui que sa caution mérite vraiment de pérenniser ?