Quand la propagande
était encore en odeur de sainteté...

< dimanche 3 avril 2022 >
Chronique

Dans la catégorie des mots qui ne demandaient qu'à bien faire mais qui ont mal tourné, le nom propagande, omniprésent par les temps de guerre et de campagne électorale qui courent...

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les dictionnaires d'aujourd'hui ne lui trouvent pas un air très... catholique. Celui de l'Académie l'affuble des adjectifs bolchevique et nazie et évoque la personnalité pour le moins clivante de Goebbels, il est vrai ministre de la spécialité sous le IIIe Reich. Larousse y voit une « action systématique exercée sur l'opinion pour lui faire accepter certaines idées ou doctrines, dans le domaine politique ou social ». Le Petit Robert fait pour sa part état de « nouvelles fausses, faites pour influencer l'opinion ». Quant au Dictionnaire historique de la langue française, il souligne que le vocable « s'est enrichi d'emplois nouveaux avec le développement des manipulations d'opinion par les régimes totalitaires et avec les techniques de communication de masse ». On aura compris que lesdits emplois ne comptent pas parmi les plus gratifiants et que la dérive vers le péjoratif est patente, au point d'en éclabousser au passage les acceptions plus mesurées.

Les événements d'Ukraine, qui, chaque jour que Poutine fait, montrent à quel point la communication est devenue le nerf de la guerre moderne — le choc des photos destinées à rendre l'ennemi responsable du conflit le disputant presque à celui des missiles — ne font à cet égard que confirmer la tendance.

Difficile, dans ce contexte, de rappeler qu'au XVIIe siècle le mot en question, loin de se vautrer dans la fange de l'endoctrinement, baignait plutôt dans... l'eau bénite ! À l'époque, en effet, la Propagande (qui avait droit à la majuscule) était le domaine réservé de l'Église : c'est le pape Grégoire XV qui, en 1622, avait fondé la Congregatio de propaganda fide, laquelle était chargée de répandre la religion catholique et de diriger toutes les missions.

Que cette caution religieuse ne nous fasse pas verser pour autant dans l'angélisme : l'amour du prochain lui-même ne détourne pas nécessairement du prosélytisme. Les guerres de Religion en France, les méthodes musclées de l'Inquisition au Portugal sont là pour nous rappeler que, chez l'homme, les ennuis commencent presque toujours avec l'envie de... propager ses idées. Quelles qu'elles soient.