Et si l'on réfléchissait
un tant soit peu à ce que l'on dit ? (1/5)

< dimanche 27 février 2022 >
Chronique

Point n'est besoin d'avoir été reçu sous la Coupole : il est plus d'une expression dont le ridicule achevé nous sauterait aux yeux pour peu que l'on prît la peine, ne fût-ce qu'un instant, de l'examiner de près...

Les vacances d'hiver se terminent à peine que beaucoup sombrent dans la nostalgie en songeant, par exemple, à cette « balade en chiens de traîneau » qu'ils se sont généreusement offerte ces dernières semaines...

En l'espèce, fallait-il vraiment que l'Académie se fendît d'une mise en garde ès qualités pour que chacun se rendît compte de l'absurdité d'une tournure qui se recense pourtant par dizaines de milliers sur la Toile — pourvu, évidemment, que vous incluiez d'éventuelles variantes (un « x » à traîneau, et, en lieu et place de balade, tous les synonymes possibles et imaginables : promenade, randonnée, excursion, etc.).

Le moins que l'on puisse dire à propos de cette curieuse expression (et ne parlons pas de « faire du chien de traîneau » !), c'est que l'on a, une fois n'est pas coutume, mis la charrue... après les bœufs : peut-on décemment s'imaginer juché sur les malheureux canidés, sans que cela déclenche aussitôt, et avec juste raison, les protestations indignées d'une certaine Brigitte Bardot ? Quand bien même, d'ailleurs, ce serait le cas, la cause animale ne serait pas la seule à être impunément bafouée. Celle de la syntaxe le serait tout autant, puisque ce n'est pas la préposition en qui pourrait faire l'affaire en l'occurrence, mais à : c'est à cheval et à poney que s'effectuent traditionnellement les promenades. La bicyclette elle-même n'a pas droit au en, dans la mesure où l'on ne saurait prendre place à l'intérieur ! Alors, un chien, on ne vous dit pas...

Comme le font observer nos immortels, c'est de promenade « en traîneau à chiens » qu'il conviendrait plutôt de parler, la précision « en traîneau à chiens de traîneau » relevant de toute évidence de l'inutile : il y a en effet très peu de chances pour que l'on confie la tâche en question à des caniches, à des chihuahuas encore moins...

Las ! il est à craindre que les avertissements venus du Quai Conti ne restent comme d'habitude lettre morte : la façon dont nous répétons machinalement et servilement les pires incongruités venues d'outre-Manche ne peut que nous inciter à la modestie. En la matière, c'est bien connu : les chiens aboient, le traîneau passe !