Dis-moi comment tu parles,
je te dirai quel dirigeant tu es

< dimanche 12 septembre 2021 >
Chronique

Ce fut la sensation linguistique du voyage présidentiel à Marseille que ces « chicayas locaux » invoqués par le chef de l'État pour expliquer l'incapacité de la cité phocéenne à se réformer.

Force est d'avouer qu'en matière d'originalité celui-ci avait déjà fait mieux. Qui n'a gardé le souvenir — croquignolesque — de ses galimatias, poudre de perlimpinpin et autres carabistouilles, éclipsant presque la chienlit et l'abracadabrantesque de ses prédécesseurs ? Cette fois, il ne fait que marcher sur les traces de ses confrères : Julien Dray dès 2008, Marine Le Pen en 2016 ! Faute de grives, on mange des merles : la gent journalistique n'en a pas moins fait un sort à ces chicayas qui avaient l'avantage d'offrir une bouffée d'air respirable dans une atmosphère qui, sur place, l'est apparemment beaucoup moins.

Il a donc été rappelé que ledit mot, très présent sur la Canebière, est entré en France grâce au pataouète (parler populaire des Français d'Algérie) et qu'il signifie, ce que chacun avait deviné, « querelle », « dispute ». Chose curieuse : s'il ne figure évidemment pas sur les tablettes du Quai Conti, il n'a pas non plus les honneurs du Petit Larousse ni du Petit Robert, ce qui est autrement surprenant de la part de dictionnaires friands de particularismes régionaux. Même le Dico de Garnier, pourtant autoproclamé « dictionnaire de la richesse et de la diversité de la langue française d'aujourd'hui », s'en tient prudemment au voisin chicane ! Pour apercevoir notre chicaya, il faut ouvrir... l'Officiel du Scrabble : que ne ferait ce dernier, il est vrai, pour accueillir des vocables comportant une ou plusieurs « lettres chères » !

Gageons qu'il se trouvera des politologues pour nous expliquer que l'heure n'est plus aux mots savants (logorrhée, irénisme, palimpseste) dont Emmanuel Macron se gargarisait du temps de l'état de grâce, mais aux mots plus triviaux, œcuméniques de surcroît : « mélange de français, d'arabe, de catalan, de castillan, d'italien et de maltais », ce terme n'est-il pas au fond le modèle d'une intégration que le pouvoir appelle de ses vœux ?

Reste à expliquer pourquoi le président en fait un masculin là où tout le monde voit un féminin. Serait-ce pour regretter qu'en français les synonymes familiers de la dispute (bisbille, bisbrouille, chamaillerie, zizanie, etc.) soient presque tous de ce genre ?