Quand un ciel bas et lourd
pèse sur notre orthographe...

< dimanche 14 février 2021 >
Chronique

Si les « Gaulois réfractaires » d'Emmanuel Macron ne craignent plus, comme Abraracourcix hier, de recevoir le ciel sur la tête, ils n'en sont pas moins repris par l'angoisse chaque fois qu'il leur faut l'écrire !

En témoigne ce lecteur qui, rebondissant sur une chronique de juin dernier où nous ironisions sur notre propension snobinarde à créer des mots qui en jettent, nous pose la question qui tue : pourquoi présentiel avec un « t », distanciel avec un « c » ? Les deux termes ne renvoient-ils pas, dans un cas comme dans l'autre, à un substantif (présence, distance) qui ne prêche que par le « c » ?

C'est que, pour paraphraser le slogan d'une célèbre marque de prêt-à-porter, la vie est trop courte pour orthographier triste ! Quel ennui distillerait la langue française si elle devait toujours sacrifier à la logique ? Et quel intérêt aurait revêtu naguère la dictée de Pivot sans ce zeste de folie qui nous agace et nous séduit à la fois ?

Disons tout de suite que l'on s'est déjà montré plus fou. Il n'y a rien d'illogique à avoir choisi la graphie présentiel, le « t » s'imposant quasi toujours après la syllabe « en » : carentiel, concurrentiel, confidentiel, différentiel, événementiel, existentiel, exponentiel (comme la croissance de l'épidémie), pestilentiel, potentiel, préférentiel, présidentiel, providentiel, référentiel, résidentiel, tangentiel, torrentiel, pour nous en tenir à... l'essentiel, n'étaient-ils pas déjà passés par là ?

Il y a bien, comme toujours en français, une exception (révérenciel), mais voilà une excellente raison de n'en point tolérer une seconde ! Rien de scandaleux non plus à avoir doté distanciel d'un « c » : c'est la règle après la syllabe « an » (circonstanciel, tendanciel), quand bien même substantiel jouerait les fortes têtes. C'est aussi le cas après un « i » (artificiel, cicatriciel, indiciel, matriciel, officiel, préjudiciel, sacrificiel, superficiel, sans oublier logiciel et ses satellites didacticiel, ludiciel et progiciel), même si interstitiel fait bande à part.

Il reste à se demander si ce petit nombre d'exceptions n'apparaîtra pas déjà... démentiel à ceux qui plaident pour une orthographe cohérente, toujours et en tous lieux. Il est vrai qu'il n'a jamais été interdit de rêver !