Ce genre d'hymne, ce n'est pas
toujours la joie, il s'en faut !

< dimanche 22 septembre 2019 >
Chronique

Il y a quelque quinze jours, au Stade de France, on a touché le fond, et même continué de creuser : hymne andorran pris pour l'albanais, excuses du « speaker » aux... Arméniens ! Deux bourdes pour le prix d'une.

Sur le plan linguistique aussi, l'hymne a toujours porté la poisse. Il suffit de parcourir la Toile, fût-ce d'un œil distrait, pour constater que le mot change de sexe comme de maillot. Ce mâle propice aux accents guerriers se voit souvent renvoyer au vestiaire, jusques et y compris dans les titres de médias qui ont pignon sur rue : « Condamnés pour avoir écrit une nouvelle version de l'hymne nationale à la craie » (Le Républicain lorrain) ; « 11 novembre : les enfants chantent l'hymne nationale » (L'Est républicain) ; « Le sélectionneur tunisien en larmes pendant l'hymne nationale » (Le Soir) ; « Elle massacre l'hymne nationale brésilien (?) » (RTL). Par pudeur, brisons là.

Au demeurant, les mobiles du meurtre sont connus et dûment répertoriés : une finale féminine d'abord, un « h » muet à l'initiale ensuite, lequel conduit à une apostrophe plutôt qu'à un déterminant qui, le ou la, dirait clairement son prénom. Les mêmes tares pèsent sur des mots comme haltère, hémisphère, hémistiche, hiéroglyphe, et produisent peu ou prou les mêmes effets ! Mais à cette loi commune vient s'ajouter ce que, par ces temps qui courent sus à la retraite, on serait tenté d'appeler un régime spécial, légitimé par les lexicographes celui-là. La plupart de nos dictionnaires distinguent effectivement entre sacré et profane, réclamant le féminin chaque fois que nous avons affaire au « chant religieux qui, dans la liturgie chrétienne, fait partie de l'office divin » (définition Larousse).

Dont acte, ce dernier apparaîtrait-il gratuit à nombre de spécialistes de la langue, au point qu'ils en finiraient volontiers avec cet hermaphrodisme d'un autre âge. Le Petit Robert lui-même absout désormais ceux qui, dans un moment d'égarement, en seraient venus à viriliser le chant à la louange de Dieu. La démarche inverse, en revanche, n'est toujours pas en odeur de sainteté. Et c'est vrai que quiconque a mis les pieds dans un stade (quand des commentateurs à court de métaphores en feraient un temple au sein duquel se célèbre la grand-messe du sport) n'est pas près de confondre les chants — disons gaillards, par euphémisme — dont il résonne avec ceux de la liturgie susdite !