Participe passé : vers
une guerre de Sécession linguistique ?

< dimanche 23 septembre 2018 >
Chronique

D'aucuns se seront demandé (pas d'accord ici, malgré l'auxiliaire être) si la récente offensive belge contre l'accord du participe passé ne tenait pas de la troisième mi-temps, après la demi-finale perdue en Russie le 10 juillet !

À l'évidence, non. D'abord ce prurit réformiste ne date pas d'hier : nous l'évoquions dans ces colonnes il y a quelque quatre ans. Ensuite plus d'un Français pense tout bas ce que certains Wallons disent tout haut. Mais le rapprochement est moins saugrenu qu'il n'y paraît : de même que nos voisins sont convaincus de pratiquer un football plus chatoyant que nos Bleus — on ne nous l'a pas envoyé dire, au soir de la défaite —, ils ne sont pas loin de trouver que leur français est plus pur que le nôtre. Ne disposent-ils pas des meilleurs « coachs » (Grevisse et Hanse hier, Goosse aujourd'hui) ? Ne sont-ils pas plus ouverts à l'évolution de la langue que ces Gaulois réputés, de l'aveu même de leur chef Macronix, « réfractaires au changement » ?

Loin de nous l'idée de rejouer Astérix chez les Belges : le problème n'est pas de savoir qui montre le plus de courage face à l'envahisseur, moins romain qu'anglo-saxon cette fois. Gageons du reste que les sujets du roi Philippe ne sont pas les seuls francophones à rêver de faire la nique à une Académie française qu'ils jugent au mieux conservatrice, au pis incompétente, ses membres se recrutant de moins en moins dans le sérail linguistique.

Et voilà que Bernard Pivot, chantre de la dictée, trouve « très habile » la démonstration des mutins ! Lui qui, partie prenante des Rectifications de 1990, s'en était désolidarisé avec fracas ! Lui qui traite l'écriture inclusive de « bidouillage » ! Quel frelon asiatique l'a piqué pour, sinon réclamer ce changement (à son âge, il confesse son faible pour l'écriture traditionnelle), du moins « comprendre » qu'on y aspire ?

Nous croyons connaître suffisamment l'intéressé pour faire la part de la fausse modestie (quand il affirme ne rien piger à la règle), voire de l'humour (voilà qui permet de ressortir cette blague qui lui fait répondre à Dieu, lequel l'interroge à la porte du paradis sur les caprices du participe, qu'il ne peut rien pour lui). Mais, stricto sensu, il n'a pas tort : la proposition belge est habile en ceci qu'elle se garde bien de tout nous dire. C'est qu'on s'apercevrait rapidement que ce qui semble simple est souvent simpliste...

Vivement dimanche prochain, qu'on vous explique ça par le menu !