Faire sa fête à quelqu'un :
le charme discret de l'antiphrase !

< dimanche 20 mai 2018 >
Chronique

La récente « fête à Macron », dont chacun aura évidemment mesuré le succès à l'aune de ses convictions, a du moins eu le mérite de rappeler que notre langue n'était pas avare de tête-à-queue sémantiques...

Il n'est que trop clair, en effet, que l'emploi — syntaxiquement contestable — de la préposition « à », en lieu et place d'un « de » réputé plus orthodoxe, ne procédait pas uniquement d'un parti pris de familiarité, même si celui-ci entrait probablement dans le plan : dès lors qu'on se proclame insoumis, on ne saurait décemment s'inféoder à une grammaire volontiers arbitraire et despotique ! Chacun a néanmoins compris que l'on se réclamait ici, fût-ce allusivement, de la locution faire sa fête à quelqu'un, autrement dit lui promettre des désagréments, voire le menacer de lendemains électoraux qui déchantent...

Plus personne effectivement ne se risquerait aujourd'hui à user de ce tour dans son sens positif et premier, le Trésor de la langue française le recensât-il toujours : « accueillir (quelqu'un) avec empressement, se montrer très aimable avec lui ». Cette acception-là, quand elle aurait pour elle la logique, ne se conçoit plus guère qu'à la condition expresse de supprimer le déterminant : « faire fête à quelqu'un ». L'antiphrase, cette façon que l'on a de faire dire aux mots le contraire de ce qu'ils sont censés exprimer, est passée par là ! Il n'y a pas si longtemps, à en croire le Dictionnaire historique de la langue française, lequel date ce retournement ironique de la seconde moitié du XXe siècle.

Cela dit, le phénomène n'a rien d'isolé. Quand on souligne que la confiance règne, se trouve-t-il encore quelqu'un pour ne point comprendre qu'elle brille en réalité par son absence ? Quand on salue d'un « Bravo ! » la énième bêtise du petit dernier, que l'on répond familièrement d'un « Tu m'étonnes ! » à ce qui ne nous étonne pas du tout, ou encore que l'on constate « On est bien ! » alors que l'on traverse la pire des situations, on sacrifie de même à l'antiphrase.

Grande est la tentation de ranger dans cette catégorie être dans de beaux draps. Mais la réalité est un peu différente puisque ces draps, qualifiés de « blancs » dans l'expression originale, étaient bien plutôt des vêtements qui avaient vocation à faire ressortir, par contraste, les imperfections de la peau, ou, dans un contexte plus religieux, le noir de l'âme... Tout bien pesé, rien que de déjà très négatif !