En matière de langue,
tous les coups ne sont pas permis !

< dimanche 29 avril 2018 >
Chronique

Dernier tic de langage en date : l'usager du français est depuis quelque temps enclin à consommer sans modération la locution du coup. On la trouve partout... et même ailleurs, c'est dire ! Est-ce grave, docteur ?

Aussi bien, ce ne serait pas la première fois que notre langue ferait les... quatre cents coups : naguère, c'était l'expression pour le coup qui se taillait une place de choix dans les discours « câblés ». Pas sûr qu'en l'espèce on lui attribuât son sens exact de « cette fois-ci (par opposition aux précédentes) » : l'essentiel était bien, comme il sied à un tic de langage, qu'on la glissât dans chaque phrase ou presque, histoire de paraître... dans le coup !

Avec du coup, locution familière s'il en est, les prétentions ont été revues à la baisse. Mais le comble de la « branchitude » ne consiste-t-il pas souvent à arracher à son ghetto populaire un mot ou une tournure pour leur ouvrir toutes grandes les portes de la conversation chic ?

L'Académie n'aime guère. Elle rappelle que, du coup s'étant d'abord employé au sens propre (« Un poing le frappa et il tomba assommé du coup »), il n'est habilité à exprimer une conséquence que si celle-ci suit de très près la cause. Pas question, donc, de l'employer systématiquement en lieu et place de par conséquent ! Mais elle paraît bien seule à brandir l'anathème. Si Robert présente comme familière l'acception « à cause de cela, de ce fait », Larousse n'a pas de ces pudeurs de gazelle : son « en conséquence (de quoi) » ne s'embarrasse d'aucune précaution oratoire, ce qui confirme que la révolution est en marche et qu'il faudra un peu plus qu'une poignée d'immortels pour lui barrer la route.

Là où la vieille dame du quai Conti joue davantage sur le velours, c'est quand elle ajoute que l'« on évitera [...] de faire de du coup un simple adverbe de discours sans sens particulier ». On ne peut qu'applaudir, enfonçât-on là une porte ouverte : évitons, c'est entendu, de parler pour ne rien dire ! Mais l'expérience de ces dernières années, entre le c'est vrai que et le voilà que se disputent starlettes de la télé-réalité et footballeurs de Ligue 1, nous démontre que c'est plus facile à maudire qu'à défaire ! Sur le plan de l'efficacité, on ne doit pas être très loin, hélas, des condamnations urbi et orbi de la guerre par le Saint-Père...

Du coup, il est à craindre que ce tic-là n'ait encore de beaux jours devant lui !