Si ce n'est pas Gaston
qui a créé la gaffe,
alors qui et comment ?

< dimanche 15 avril 2018 >
Chronique

Quand elle aurait acquis ses lettres de noblesse grâce au personnage de Franquin, la gaffe est, à l'évidence, vieille comme le monde. Ce qui ne va pas de soi, c'est la raison pour laquelle on a cru devoir lui donner ce nom...

L'étymologie, il faut l'avouer, est aux abonnés absents. Elle nous délivre un certificat de naissance en bonne et due forme, avec tampon du XIVe siècle tout ce qu'il y a d'authentique, de cette « perche munie d'une pointe et d'un croc dont on se sert pour accrocher le poisson ou manœuvrer une embarcation ». Origines provençales, y lit-on, avec pour ascendant le verbe gafar, « saisir ». Quant à expliquer pourquoi le mot en est venu à désigner une de ces boulettes dont notre héros a le secret, c'est une autre paire de manches de son légendaire pull vert ! On sait que c'est vers 1875, mais pour le reste circulez, il n'y a pas grand-chose à voir...

Bien sûr, et parce que cette science magnifique qu'est l'étymologie a horreur du vide, elle cherche. A-t-elle sa pareille pour inventer ce qu'elle ne sait pas ? D'aucuns susurrent qu'en mer on a souvent besoin d'une gaffe au sens propre quand on vient d'en commettre une au sens figuré. Pour récupérer, par exemple, ce qui est tombé à l'eau, voire pour remédier à un accostage raté. On citerait, pour ainsi dire, le remède afin d'évoquer le mal. En matière de métonymie, on a certes vu pis, mais quand même... D'autres préfèrent arguer que, le maniement de la gaffe étant plus malaisé qu'il n'en a l'air, on peut se tromper en l'utilisant : pousser au lieu de tirer, ou inversement. Moins convaincant encore, si c'est possible !

Plus consistante paraît l'hypothèse du linguiste Pierre Guiraud, qui remarque que le verbe gafar a signifié aussi « passer à gué ». On veut bien croire cette fois que la démarche de quiconque patauge dans la boue d'un gué traduit plus de maladresse que de maîtrise, et que, partant, l'inévitable extension de sens aura fait le reste.

Ce qui est sûr, c'est qu'avec le tour « faire gaffe » nous entrons subitement dans une autre dimension. Plus rien à voir avec la perche susdite, mais plutôt avec le mot gaffre qui s'appliqua longtemps à une... sentinelle. L'argot le sait, son gaffe renvoyant à un gardien de prison. Mais les deux univers sont-ils si éloignés ? Celui qui surveille n'est-il pas censé... accrocher du regard ?