Le « Pater noster »
revu et corrigé :
la tentation... de la nouveauté ?

< dimanche 24 décembre 2017 >
Chronique

Qui a dit que l'Église évoluait peu ? Le « Notre Père » lui-même vient de faire peau neuve ! On ne supplie plus le Très-Haut de « ne pas nous soumettre à la tentation », on l'adjure de « ne pas nous laisser entrer en tentation »...

Tempête dans une burette de vin de messe, susurreront les mauvaises langues ? Voire ! La formulation précédente avait, c'est vrai, de quoi jeter la suspicion sur une divinité censée, pour mieux nous éprouver, attirer les faibles mortels que nous sommes dans les lacs du péché. Pour tout dire, on s'étonne que les autorités ecclésiastiques ne se soient pas avisées plus tôt du caractère pour le moins équivoque de la tournure. N'est-il pas déjà suffisamment ardu de concilier, aux yeux des cartésiens que nous nous flattons d'être, l'omniscience et l'omnipotence de Dieu avec la responsabilité pleine et entière de ses créatures ?

On comprend donc que l'on ait fini, en haut lieu, par avoir le scalp de ce controversé « soumettre », lequel aurait risqué, si l'on n'y avait pris garde, de faire de vils pécheurs les innocentes victimes d'un Tout-Puissant manipulateur. Ce que l'on comprend moins, c'est cette « entrée en tentation », qui est au naturel ce que le propos de Donald Trump est à la nuance.

Gageons qu'il se trouvera force théologiens pour nous expliquer doctement les tenants et les aboutissants d'une telle traduction. Difficile, malgré tout, de ne pas la trouver un brin apprêtée, si ce n'est d'une rare lourdeur, quand il s'agit d'évoquer l'un des penchants les plus spontanés de l'humain : entre-t-on en tentation comme on entre en action, en guerre ou en lice ? Pour notre part, nous nous représentons plus volontiers l'abandon au péché comme un glissement furtif, une discrète et penaude descente aux enfers, que comme une entrée en grande pompe, jouez hautbois, résonnez musettes !

N'aurait-on pas eu avantage à revenir, toute honte bue, à l'antépénultième tournure, celle que balbutiait notre enfance, et qui disait (à la deuxième personne du pluriel mais c'est une autre histoire) : « Ne nous laissez pas succomber à la tentation » ? Voilà qui avait le mérite d'être clair, ne compromettait en rien le Créateur et ressortissait, à tout le moins, à un français autrement orthodoxe !

Évidemment, c'eût été là reconnaître, au moins implicitement, que l'on s'était fourvoyé un demi-siècle durant, et la religion, parce qu'elle est humaine, a son amour-propre comme tout le monde...