Ne cherchez plus la femme :
on la verra bientôt partout !

< dimanche 29 octobre 2017 >
Chronique

Le poil de la langue s'est à peine soulevé sous l'effet de la première lame (la nouvelle orthographe) que déjà la seconde (l'écriture inclusive) se présente pour le couper avant qu'il ne se rétracte...

À en croire le professeur (Académie), la professeur (Robert), la professeure (Larousse), la professeuse (personne encore, mais cela ne saurait tarder) de littérature Éliane Viennot, « seul·e·s les partisan·e·s de la domination masculine devraient s'étouffer devant l'écriture inclusive ». Le débat est donc clos avant d'avoir été lancé : impossible d'émettre la moindre réserve sans passer pour un affreux macho (pléonasme) ou pour une masochiste, ce qui n'est guère mieux. Partant, nous savons ce qu'il nous reste à faire : applaudir à tout rompre !

Faut-il, pour ceux — et celles, évidemment ! — qui vivraient sur une autre planète, rappeler les principes de l'écriture inclusive ? Promouvoir une grammaire équitable, assurer une égalité de représentations des deux sexes dans notre discours, tordre le cou aux règles scélérates qu'a imposées la barbe en ces temps reculés où, dixit Molière, « de son côté [était] la toute-puissance » : non, le masculin n'est pas fondé à « l'emporter » sur le féminin (avouons que la formulation était un rien maladroite) ; non, il ne peut se prévaloir de son statut de genre « non marqué » pour parler au nom du féminin. Place à une communication qui, grâce au point médian, ne mélange plus torchons et serviettes (ouf ! le terme péjoratif est le masculin, nous l'avons échappé belle) : « Nombreux·ses sont ceux·elles, élu·e·s, délégué·e·s syndicaux·ales ou simples citoyen·ne·s, qui s'y sont rallié·e·s. »

Lourd et moche ? Là n'est pas la question. Ce qui n'est pas douteux, c'est que ce type d'écriture, au contraire d'une réforme de l'orthographe nivelant par le bas, vient encore compliquer notre langue. Le ministre de l'Éducation nationale ne s'y est d'ailleurs pas trompé, affirmant ne pas vouloir d'une complication supplémentaire qu'il ne juge pas nécessaire. Dame ! quand on voit les mille morts que l'on souffre déjà pour instiller un semblant d'orthodoxie dans les écrits de nos chères têtes blondes...

Unique avantage (mais il faut chercher) : voilà qui calmera les ardeurs de ceux qui prônent l'invariabilité du participe conjugué avec avoir, fût-il précédé du COD. Toujours écrire « l'artiste que l'on a engagé » ? Impossible ! Et s'il s'agit d'une femme qui, vaillamment, s'est fait une place dans la société ?