Washington, Lincoln,
Roosevelt, revenez :
ils sont devenus fous !

< dimanche 16 octobre 2016 >
Chronique

On a frôlé le degré zéro de la politique avec le débat qui a opposé, cette semaine, Donald Trump à Hillary Clinton : sexisme, racisme, accusations de viol... D'aucuns se seront pincés pour s'assurer qu'ils ne rêvaient pas !

Mais qu'arrive-t-il à la première démocratie du monde ? Combien bas tombe ladite politique dès lors qu'idées et programmes se voient ainsi jetés avec l'eau croupie du bain ! Et comme elle paraît lointaine, l'étymologie qui, à l'époque bénie de la république athénienne, en faisait la gestion de la cité, sur la base du grec polis ! Il n'est que d'entendre aujourd'hui, sur la plupart des zincs de France et de Navarre, le ton sur lequel sont lâchés les « Tout ça, c'est de la politique ! » pour deviner que le vocable a perdu beaucoup de son prestige avec le temps.

Pourtant, nos dictionnaires se montrent plutôt bons princes, ne répercutant pour l'heure que chichement ces marques d'opprobre et de discrédit. Seul l'adjectif se teinte à l'occasion d'une nuance péjorative. Chez Larousse, du moins (« se dit d'une manière d'agir habile et intéressée »), car chez Robert l'honneur est toujours sauf : il s'agit moins de machiavélisme que d'« habileté » et de « diplomatie » ! Et quand ce dernier parle, à propos du substantif lui-même, de « calcul intéressé », l'acception est tenue pour vieillie, comme si de pareilles pratiques n'avaient plus cours...

On n'en dira pas autant de l'infortuné politicien, lequel attire visiblement sur sa (modeste ?) personne toutes les rancœurs et désillusions dont je parlais plus haut. Les exemples ne trompent pas : le politicien est présenté, chez Robert, comme « retors » et « véreux ». Quant à l'adjectif, il qualifie souvent le nom manœuvre, c'est dire ! Mais le coup de grâce est manifestement porté par l'expression politique politicienne, qui, par le biais de la redondance assumée, fleure bon la magouille et les coups tordus.

Tout se passe au fond comme si notre langue, dans son infinie sagesse, avait voulu dédouaner la chose (est-il, c'est vrai, occupation plus louable que d'administrer l'État pour le bien de ses semblables ?) afin de mieux accabler l'homme. Ce ne serait pas la première fois, entre nous soit dit, que celui-ci, par ses excès et sa mesquinerie, aurait ruiné une noble idée : pourquoi la politique échapperait-elle à des travers contre lesquels la religion elle-même n'a su se prémunir ?