Un frondeur a-t-il toujours
vocation à jeter la pierre ?

< dimanche 22 mai 2016 >
Chronique

Rejet du 49-3... Velléités de dépôt d'une motion de censure... On ne parle plus que de ces frondeurs qui harcèlent le gouvernement. Doivent-ils tout, pour l'étymologie, à l'arme de jet que l'on connaît ? Pas tout à fait, Thierry !

Certes, le rapprochement est d'autant plus... fondé que le frondeur, au sens premier du terme, est celui qui use de ce que l'on nomma longtemps une « fonde », du latin funda. Le « r » ne serait venu que plus tard, au XVIe siècle, à la faveur de ce que les spécialistes appellent une « épenthèse ». Vous savez, cette « insertion dans la parole d'un son supplémentaire qui vise à rendre plus aisée l'élocution » ? Il l'aurait fait d'autant plus naturellement qu'en italien notre fronde se disait fromba, peut-être parce qu'en tournoyant elle évoquait le frombolo, bruit que font les pigeons quand ils s'envolent...

Pour autant, est-on passé du sens propre d'hier au sens figuré d'aujourd'hui sur la seule foi d'une image ? On serait tenté de le croire : les Montebourg, les Hamon, les Filippetti font-ils autre chose que jeter la pierre à leurs compagnons de route du Parti socialiste ? En réalité, c'est un peu plus subtil que cela.

A beaucoup joué dans l'éclosion du sens actuel l'épisode historique de la Fronde, avec une majuscule cette fois. Chacun se souvient de cette période troublée entre toutes où les parlements d'abord, les grands du royaume ensuite, ont taillé des croupières à Mazarin, et, à travers lui, à un Louis XIV encore trop jeune pour exercer le pouvoir. Ce que l'on sait moins, c'est la raison pour laquelle on a désigné par ce nom la rébellion en question. À l'origine de tout se serait trouvé un conseiller-clerc au parlement de Paris, un certain François Le Coigneux de Bachaumont. Un jour que le duc d'Orléans s'était invité à une séance pour empêcher que ne soient débattues des propositions défavorables au gouvernement, le drôle aurait incité ses collègues à remettre celles-ci à plus tard et à attendre que le chat ne fût plus là pour danser. Afin de les convaincre, il aurait alors risqué une comparaison avec ces gosses qui, dans les fossés parisiens, s'égaillaient pour ne pas s'attirer les foudres du lieutenant civil, revenant jouer avec leurs frondes dès que celui-ci avait le dos tourné !

On devine la suite, et comprend pourquoi cette arme dérisoire qu'était la fronde allait devenir le symbole de la lutte contre le pouvoir.