Nouvelle orthographe :
service minimum sur le participe...
pour l'instant !

< dimanche 6 mars 2016 >
Chronique

Au participe passé, la réforme n'a quasiment pas touché. Non que l'envie en eût manqué à nos linguistes, il va sans dire, mais la situation n'était pas mûre (mure ?). On s'est donc contenté d'une « mesurette », histoire de... participer !

A seulement été érigé en règle ce qui était une possibilité depuis très longtemps, à savoir l'invariabilité du participe passé du verbe laisser devant un infinitif. Adolphe Thomas écrivait déjà, en 1956, dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française, que « la tendance [était] pour l'invariabilité (...), que le sens [fût] actif ou passif ». André Goosse remonte pour sa part à des temps bien plus anciens, laissant entendre que Littré lui-même trouvait « défendable » ladite invariabilité. N'a-t-on pas, après tout, accepté depuis belle lurette que le participe passé du verbe faire fût lui-même systématiquement invariable devant un infinitif ? Auxiliaire factitif et auxiliaire tolératif, même combat !

Le Goosse susdit a d'ailleurs beau jeu de répondre à ceux qui regrettent que, partant, on ne distingue plus entre « on les a laissés tuer » (ils tuent) et « on les a laissé tuer » (ils sont tués) que c'est déjà le cas au masculin singulier... et à l'oral ! Certes, mais ne reconnaissait-il pas lui-même que « la communication écrite a ses besoins propres » et qu'elle n'a pas « à décalquer l'oral servilement » ? Et faut-il pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain ? Sous prétexte que l'accord n'est pas lisible dans tous les cas de figure, doit-on y renoncer là où il est pertinent ? Il ne nous paraît pas inutile, en ce qui nous concerne, que l'on puisse marquer la différence entre « on les a envoyés chercher » (on les a envoyés chercher quelque chose) et « on les a envoyé chercher » (on a envoyé quelqu'un les chercher).

Mais c'est là tout ce qui sépare une grammaire qui — sans toujours y parvenir, il est vrai — s'ingénie à épouser au plus près les mouvements de la pensée, fût-ce au prix d'un effort de réflexion, d'une autre pour qui la fin dernière est de simplifier à tout prix.

En ce sens, cette règle marginale est beaucoup moins insignifiante qu'on ne veut bien le dire : elle porte en germe (et il faut sur ce point rendre justice à ses auteurs, lesquels ne s'en sont jamais cachés) les principes d'une réforme autrement radicale, dont, de leur propre aveu, ces « Rectifications » ne constitueraient qu'une première étape.