Tout ce que vous avez
toujours voulu savoir
sur les dictionnaires...

< dimanche 29 mars 2015 >
Chronique

... sans jamais oser le demander se trouve dans cet ouvrage de Jean Pruvost, professeur de lexicologie et « dicopathe » invétéré, qui partage son espace vital avec les quelque dix mille volumes de sa collection !

C'est dire que tout vous sera révélé, et de A à Z, sur ces drôles de livres que vous consultez de loin en loin, quand notre amoureux fou des mots a, lui, choisi de vivre avec eux. Comme sur ceux qui, de Littré à Robert en passant par Larousse, les écrivent car ces bibles altières que l'on serait prêt à adorer comme le monolithe de 2001 : l'odyssée de l'espace sont rédigées par des hommes, avec ce que cela suppose d'enthousiasme, mais aussi de préjugés.

Vous apprendrez ainsi que la lettre A y est presque toujours outrageusement favorisée, aux dépens des infortunées qui ferment la marche. C'est que, comme la grève de Thorez, il faut savoir terminer un dictionnaire et souvent, lassitude et coût aidant, revoir ses prétentions à la baisse ! « Au bout de l'alphabet, note malicieusement Jean Pruvost, il peut arriver que le lexicographe soit fatigué. »

Vous apprendrez aussi que ce témoin silencieux de notre intimité a, pour qui sait la humer, une odeur : de cuisine ou de médicaments, à l'occasion, pour ce dictionnaire de proximité qu'est le Larousse ; de nicotine ou de poussière, plutôt, pour cet intello de Robert... Dis-moi ce que tu sens, je te dirai quel est ton cœur de cible !

Vous vous verrez expliquer qu'à dessein traînent dans nos dictionnaires quelques dates erronées, véritables « mines antiplagiaires » ! Voilà qui peut toujours servir, en effet, au tribunal, pour prouver qu'un concurrent indélicat a sans vergogne pompé sur un confrère...

Vous y découvrirez l'« effet cravate », ce raccourcissement progressif des illustrations d'une édition à l'autre, lequel permet aux mots nouveaux d'intégrer la nomenclature sans que pour autant il soit besoin de revoir la maquette. C'est ainsi que des plans américains se sont vu peu à peu grignoter jusqu'à ce que l'on n'aperçoive plus de la cravate du personnage, véritable peau de chagrin, que son nœud !

Mais ce que vous retiendrez surtout de cette lecture passionnante, c'est que la norme fluctue et qu'elle n'échappe pas à la subjectivité : « On vieillit vite en langue, écrit encore Jean Pruvost, si l'on est puriste intégriste. » Avis aux amateurs !