Mais à quoi devons-nous
ces codes-barres parallèles ?

< dimanche 7 avril 2013 >
Chronique

La chose n'aura pas échappé aux amateurs de célébrations en tout genre : le code-barres a quarante ans ! Si son succès doit se mesurer au nombre de graphies qu'il arbore sur la Toile (avec ou sans trait d'union, « s » nomade au singulier comme au pluriel), c'est un vrai triomphe. Mais qu'en est-il en réalité ?

Les formes les plus orthodoxes nous semblent bien être celles que prône le Petit Larousse : « un code-barres, des codes-barres ». La logique plaide en effet en faveur du « s » à barres dès le singulier : si le système a fait la preuve de son efficacité, c'est précisément parce qu'il comporte plus d'une barre ! D'ailleurs, avant que notre légendaire paresse — la même qui nous a conduits à parler de kilomètres-heure plutôt que de kilomètres par heure — ne nous poussât à forger un nom composé, on avait parlé de « code à barres ».

Cela dit, on le sait, la logique n'est plus vraiment en odeur de sainteté depuis que la nouvelle orthographe nous a appris à voir dans le nom composé un mot comme les autres, lequel ne doit prendre la marque du pluriel... qu'au pluriel ! Faut-il rappeler ici les controverses passionnées qu'avaient suscitées, en leur temps, le « porte-avion » et le « tire-fesse », les « gratte-ciels » et les « pare-soleils » ? En irait-il de même de notre code-barres, pour lequel le Petit Robert propose également la variante « code-barre » ?

Apparemment non. D'abord parce que, si tel était le cas, le Petit Larousse signalerait lui-même la variante en question : depuis deux ans, il le fait, fût-ce avec des pincettes et entre parenthèses, pour toutes les formes issues des « Rectifications » de 1990. Ensuite et surtout parce que les deux seuls types de noms composés auxquels s'est intéressée la réforme furent ceux qui étaient constitués d'un verbe et d'un nom (comme dans les quatre exemples cités plus haut) ou d'une préposition et d'un nom (« un après-ski, des après-skis » ; « un sans-abri, des sans-abris »). Le code-barres, lui, est passé entre les mailles du filet puisqu'il est formé de deux noms. Nous ne serions pas autrement surpris, compte tenu de la précipitation qui a présidé à la mise en place de ladite réforme, que son cas, largement minoritaire, ait été purement et simplement... oublié. Car enfin, pour peu que l'on accepte de mettre la logique dont nous parlions il y a peu sous l'éteignoir, un « code-barre » ne serait pas plus choquant — pas moins non plus, du reste — qu'un « sèche-cheveu » !

Serait-ce la raison pour laquelle Robert se montre magnanime ? Ce n'est pas impossible : à la différence de Larousse, qui a fini, mais sans enthousiasme aucun, par reprendre en bloc les graphies nouvelles, quitte à en faire de simples variantes tolérées, l'écurie d'Alain Rey a coutume — de manière souvent subjective, hélas ! — de faire librement son marché parmi les étals plus ou moins séduisants de la nouvelle orthographe, adoubant cette dernière ici, la snobant là. Il semblerait que sur le point qui nous occupe le Petit Robert se soit finalement montré plus royaliste que le roi, étendant à notre code-barres un principe que, tout à leur zèle simplificateur, nos réformateurs eussent fort bien pu, eux aussi, lui appliquer. La preuve en est qu'il va plus loin encore pour bloc-note, seule graphie proposée en entrée, alors que son frère cadet le Dixel (!) s'aligne, pour sa part, sur le bloc-notes de la concurrence...

On l'aura compris, en tout cas : si elle ne s'en remet pas au plus vite à un code et à un seul, notre orthographe est définitivement... mal barrée !