Pour une promotion pérenne du français :
à quand des semaines d'une année ?

< dimanche 15 mars 2009 >
Chronique

Voilà revenu le temps de la « Semaine de la langue française », comme des dix mots qui, du 16 au 23 mars, selon une formule désormais parfaitement rodée — n'en est-on pas à la quatorzième édition ? —, serviront de fils conducteurs à nombre de manifestations culturelles (et néanmoins festives) dans l'Hexagone, autant que dans notre région.

Parmi ces « mots pour demain », censés illustrer la capacité de notre idiome à relever les défis de l'avenir, comment pourrions-nous cacher notre faible pour pérenne ? Il est tellement rare qu'un mot aussi ancien — qui oubliera jamais la « branloire pérenne » à laquelle Montaigne comparait notre univers en perpétuel mouvement ? — puisse s'enorgueillir d'une nouvelle jeunesse ! L'adjectif, qui a connu une véritable traversée du désert pendant plusieurs siècles, apparaissant même comme le parent pauvre d'une famille au sein de laquelle le nom pérennité et le verbe pérenniser tiraient autrement leur épingle du jeu linguistique, semble bien en effet, à l'occasion d'un de ces retours de flamme comme il ne peut en exister que dans la langue, être redevenu ces dernières années le chouchou des médias. On a même cru, naguère, entendre un candidat à la présidence de la République — et non des moindres — en user lors d'un débat télévisé, quitte à le masculiniser de singulière façon et à évoquer « le financement péren (sic) de nos régimes de retraite ». (Puisqu'il s'agit là d'un barbarisme, l'orthographe ci-dessus proposée ne saurait être qu'arbitraire mais ce qui est sûr, c'est que le mot fut prononcé comme s'il rimait avec la poudre de perlimpinpin, usuelle, il est vrai, en période électorale !) Les fiches que lui avaient préparées ses collaborateurs ne précisaient sans doute pas que l'adjectif était épicène, c'est-à-dire que, comme pécuniaire, il avait une forme identique aux deux genres !

Mais foin du persiflage facile : revenons plutôt aux origines dudit mot. Étymologiquement (perennis, de per et d'annus), il s'est d'abord appliqué à « ce qui durait toute l'année ». Par exemple à une rivière dont l'écoulement n'était pas interrompu par la saison sèche ; ou encore à un végétal « sempervirent ». La botanique recourt d'ailleurs encore à l'adjectif voisin pérennant pour qualifier les bulbes, racines, rhizomes et autres organes d'une plante qui résistent aux chocs climatiques. En un second temps pourtant, et comme cela est souvent le cas — on se souvient qu'avant de signifier « jadis, autrefois », le terme antan (du latin anteannum) a, beaucoup plus modestement, désigné « l'année d'avant » —, une extension de sens a fait de cette simple permanence une éternité. L'adjectif est aujourd'hui regardé comme un synonyme d'immuable, d'impérissable, d'inaltérable, et il ne faut sans doute pas chercher beaucoup plus loin les raisons de sa vogue au beau milieu d'une société de plus en plus guettée, elle, par la précarité !

Il n'empêche : comme nous aimerions que l'action menée en faveur du français dans les jours à venir... se pérennisât, au sens premier du terme ! Que cette source limpide à laquelle nous aimons nous désaltérer, une fois l'an, ne fût pas aussitôt polluée par l'eau croupie du réalisme politique et économique, que les lecteurs assidus de ces colonnes savent prompt, ô combien, à succomber aux sirènes de l'anglo-américain tous azimuts...