En Angleterre et en Espagne,
des transports peu communs !

< dimanche 18 janvier 2009 >
Chronique

C'est la guerre sur la péninsule Ibérique ! Croyants et athées y livrent depuis peu un combat sans merci par... transports en commun interposés. Madrid est sillonné par des bus qui, de toute la force de leurs espaces publicitaires, proclament que Dieu existe. En guise de représailles, en circulent d'autres, à Barcelone, qui incitent le badaud à profiter de la vie sans retenue, sous prétexte que, selon toute probabilité, il n'en est rien. De quoi convertir les traditionnels arrêts en stations... de chemin de croix !

La petite histoire ne dit pas si, sur les lignes élues, l'essence est divine et l'eau des lave-glaces bénite. Pas davantage si les conducteurs s'y voient traiter par leurs homologues libres penseurs de « chauffeurs du dimanche ». Mais c'est égal, voilà une idée qui mérite d'être creusée. À quand, dans le Vendée Globe, des spis criant à la face des poissons interloqués que Dieu est de retour et que, plus que jamais, il tient bon la barre ? À quand un TGV rappelant sur ses flancs, comme pour décourager les tentatives de suicide, que « les voies du Seigneur sont impénétrables » ? À quand des fuselages chantant en lettres pimpantes, au moment de percer la chape des nuages : « Plus près de toi, mon Dieu » ? C'est ça, soit dit en grimpant, qui soignerait efficacement la tenace appréhension des passagers, des plus irrationnelles pourtant au vu des statistiques...

Mais quittons le terrain du persiflage pour retrouver celui, qui nous est plus coutumier, de la langue. Qu'est-ce que cet autobus que nous prenons comme nous respirons ? Nous accuserait-on ici d'enfoncer des portes ouvertes, fussent-elles coulissantes, gardons-nous déjà de le confondre avec son faux jumeau l'autocar ! Quand celui-ci, plus confortable, relie les villes et couvre, à des fins souvent touristiques, de grandes distances, l'autobus, qui offre des places debout, voit son rayon d'action limité aux zones urbaines et n'a pas accès à l'autoroute. Lequel, sur le plan linguistique, a quitté le premier le dépôt ? Ce serait l'autocar (étymologiquement « voiture qui se meut par elle-même », en 1895. L'autobus le suivrait de quelque dix ans, mais l'origine de ce dernier mot est autrement inattendue...

Le bus en question descendrait en effet, en droite ligne si l'on ose dire, de l'omnibus qui, avant de faire les beaux jours du chemin de fer, désigna longtemps une voiture publique hippomobile, transportant des voyageurs dans une ville. Quand les chevaux furent renvoyés à leur cher picotin et que lesdits omnibus devinrent automobiles, le 15 mai 1906 pour être précis, les employés de la Compagnie eurent tôt fait, pour leur propre jargon, de forger un mot-valise (automobile + omnibus), promis à un bel avenir.

Mais à quoi, ou plutôt à qui, devait-on l'omnibus ? Vraisemblablement à un chapelier nantais nommé Omnès ! Le bougre, qui avait des lettres, avait finement pris pour devise Omnes omnibus : « Tous (les chapeaux) pour tous (les Nantais) » en latin mais aussi, à la faveur d'un jeu de mots, « Omnès au service de tous ») ! La première ligne régulière de voitures à cheval partant, en 1810, de sa devanture, ces dernières furent tout naturellement baptisées omnibus.

Bref, quand les conducteurs de bus d'aujourd'hui, trop souvent agressés dans l'exercice de leurs nobles fonctions, affirment, au besoin par la grève, qu'ils sont las de porter le chapeau, ils ne croient pas si bien dire...