Les dessous étymologiques
d'un congrès

< dimanche 23 novembre 2008 >
Chronique

Que dire qui n'ait été dit, tout au long de cette semaine, sur le congrès que le Parti socialiste vient de tenir, dans le climat houleux que l'on sait, à Reims ? Nous reste-t-il seulement une chance de revenir sur le sujet sans donner l'impression d'arriver comme les carabiniers ? Peut-être bien que oui. Elle se nomme étymologie... et elle avait tout prévu !

Comme pour anticiper leur défaite, des esprits chagrins insinuent déjà que, quoi qu'aient décidé les militants, le nouveau premier secrétaire n'aura pas les coudées franches ni ne disposera d'une majorité cohérente pour gouverner le parti ? Qu'il sera un homme, pardon, une femme isolée, peut-être même rapidement mise à l'écart, eu égard aux clivages qui se sont récemment fait jour ? Mais, à y bien regarder, tel a toujours été le lot d'un secrétaire, lequel doit son existence au latin secretum, « isolé, séparé ». Et que l'on ne vienne pas verser des larmes de crocodile sur d'hypothétiques temps bénis où l'intérêt commun prenait le pas sur les ambitions personnelles : ce même terme de secrétaire désignait, dès le XIIIe siècle, un « lieu retiré où l'on vivait... pour soi » ! Allez pester, après cela, contre l'affligeant spectacle des ego déchaînés...

Pourtant, il y a mieux et il semble bien, quand la chose aurait, des plus normalement, échappé à la plupart des chroniqueurs politiques, que tous les ennuis des socialistes se trouvaient déjà inscrits, en filigrane, dans le mot congrès.

S'est-on méchamment gaussé des envolées mystiques de Ségolène qui, dans ce style nunuche qui n'appartiendrait qu'à elle, incitait à l'amour alors que les balles sifflaient de tout côté ! Nous avons trop fait de gorges chaudes, naguère, de sa « bravitude » pour ne pas souligner que, cette fois, c'est elle qui est dans le vrai, sur le plan linguistique s'entend : le mot, issu pour sa part du latin congressus, « action de marcher ensemble, de se rencontrer », s'est d'abord appliqué à... une union charnelle !

Ce rappel dût-il étonner, tant les images que les lucarnes offrirent de l'événement nous ont paru éloignées de la plénitude orgasmique, ce fut là, en effet, l'acception la plus commune du mot aux XVIe et XVIIe siècles.

Mais alors, objecterez-vous, pourquoi ce congrès, au lieu de s'achever dans la confusion que l'on déplore, ne s'est-il pas déroulé sur le mode du « Embrassons-nous, Folleville » ? N'eût-ce pas été plus conforme à cette étymologie que nous encensons ?

Ce serait oublier l'essentiel, à savoir ce que l'on appelait, au Moyen Âge, « l'épreuve du congrès ». Il s'agissait tout bonnement d'accomplir (et jusqu'au bout) son devoir conjugal en présence de témoins, afin d'établir que l'on en était capable. C'était, il est vrai, à cette époque où il n'était guère facile de défaire ce que Dieu avait uni, le seul moyen pour ces dames d'obtenir l'annulation d'un mariage. Il fallut attendre 1677 pour que ladite épreuve fût officiellement abolie et que, par voie de conséquence, le sens de congrès se rapprochât de celui que l'on connaît aujourd'hui.

Il n'empêche : ceux qui ont voulu voir dans celui du PS un constat... d'impuissance ne croyaient pas si bien dire ! Peut-être, au chapitre de la rénovation que chacun réclame à cor et à cri, conviendrait-il de proposer le remplacement du congrès... par des assises ? Voilà qui pourrait éventuellement aider les candidats à se faire élire dans un fauteuil !