EDVIGE,
ou les accrocs d'un acronyme

< dimanche 14 septembre 2008 >
Chronique

A-t-on idée de donner à un fichier de police un nom de cyclone tropical ! Allez vous étonner, après cela, des ravages causés à la solidarité gouvernementale : une ministre de l'Intérieur... hors d'elle, qui envoie son collègue de la Défense se faire fiche ; un Premier ministre qui laisse d'abord entendre qu'Hervé Morin lui pompe l'air, avant que le vent ne tourne et que le président de la République en personne ne vienne jouer les anticyclones pour faire retomber la pression, ce qui, de l'avis des météorologues, est plutôt inhabituel !

À quelque chose, cependant, perturbation est bonne : voilà l'occasion de rappeler sous cette rubrique ce qui sépare l'acronyme du sigle... Alors que l'on donne aux lettres de celui-ci leur nom — c'est le cas, pour rester dans l'actualité brûlante, d'un autre chouchou des médias, le RSA de Martin Hirsch —, le premier se lit comme un vocable ordinaire. En d'autres termes, si le sigle ne peut être qu'épelé, l'acronyme, lui, est prononçable. Il n'est d'ailleurs pas rare que, pour faciliter la chose, l'on ne se contente pas de l'initiale des mots qui le composent mais que l'on en retienne plusieurs lettres : il en va ainsi des deux dernières d'EDVIGE, qui signifie, nous l'a-t-on assez seriné : « Exploitation Documentaire et Valorisation de l'Information GÉnérale ». Une dénomination tellement pompeuse que l'on se demanderait si la fin, en l'occurrence, n'a pas justifié les moyens...

Il résulte de ce qui précède que certaines abréviations peuvent, selon la façon dont on les prononce, être rangées indifféremment parmi les sigles ou les acronymes. Porte-drapeau incontesté de cette minorité « à voile et à vapeur », l'ONU, certes vouée, par nature, à ménager chèvre et chou... Mais on pourrait encore mentionner la défunte URSS, que plus d'un faisait rimer avec « russe », histoire, sans doute, de préciser qui portait la culotte au sein de l'Union en question !

Nous nous en voudrions, cela dit, de laisser croire que les choses sont toujours aussi claires. Le Lexis de Larousse, pour illustrer le sigle, cite Unesco et Benelux, que personne pourtant ne songerait à épeler ! Mais il est vrai que tout acronyme peut être considéré comme un sigle, quand la réciproque ne vaudrait pas.

Autre critère de distinction, celui qui réserverait sigle à la collecte des seules initiales, alors que l'acronyme porterait préférentiellement sur des syllabes. Mais troublante est alors la ressemblance avec le « mot-valise », que l'on évoqua naguère dans ces colonnes !

Preuve manifeste, en tout cas, de la supériorité de l'acronyme sur le sigle : sa capacité à se passer quelquefois de majuscules et à recevoir, tel un banal nom commun, la marque du pluriel. On est depuis longtemps immunisé, faute de mieux, contre un sida en minuscules. On ne s'étonne plus d'apercevoir des ovnis dans le ciel des journaux. Est-il encore quelqu'un, d'ailleurs, pour s'aviser que radar (RAdio Detecting And Ranging) ou laser (Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation) sont en réalité des acronymes ?

Il y a peu, nous nous serions fait un devoir de signaler une dernière différence : l'obligation de respecter les points abréviatifs dans le sigle. Las ! cet utile distinguo n'a pas survécu au laxisme de notre époque. Larousse lui-même a, sur ce point, sifflé le début de la récréation, ici autorisant QI, là imposant CGT, voire W-C ! Si même la chasse n'est plus gardée...