La dernière récré du petit Nicolas :
après le yacht, la galère ?

< dimanche 13 mai 2007 >
Chronique

Décidément, ces Français ne seront jamais contents ! Ils ne craignent rien tant que de se laisser mener en bateau par les hommes politiques et quand ces derniers appareillent seuls, ils font la tête. Ils feraient mieux d'en profiter : celui qui a promis de remettre le pays à flot et semble vouloir tenir parole — à peine élu, il est déjà sur le pont ! — pourrait bien, sous peu, leur enjoindre de ramer... De surcroît, cette escapade maltaise n'aura pas eu que de mauvais côtés. Voilà qui va nous permettre de faire toute la lumière sur un débat dont on finirait par se demander s'il n'est pas aussi vieux que la langue : faut-il dire que les critiques, cette semaine, ont « battu leur plein » ou « battu son plein » ? Ils sont toujours nombreux, en effet, à prôner cette dernière version, considérant du même coup que son ne serait pas l'adjectif possessif que l'on a longtemps voulu voir en lui... mais bel et bien un nom, que viendrait qualifier l'adjectif plein ! L'hypothèse n'a d'ailleurs pas séduit que des sous-fifres puisque, si l'on en croit cet éternel cafteur de Grevisse, le Lillois — et académicien — Alain Decaux se serait lui-même risqué à écrire, dans un ouvrage intitulé L'Empire, l'amour et l'argent : « Les festivités [...] battent son plein. » Entendez par là qu'à l'instar de tambours qui feraient le plus de bruit possible et rendraient « un son plein », elles sont à leur apogée... Ce serait pourtant ignorer (et sur ce point tout ce que la francophonie compte aujourd'hui d'éminents spécialistes parle d'une seule et même voix) l'origine maritime de l'expression. Le plein, ici, n'est autre que celui qu'atteint la mer en « battant la côte » : il ne représente ni plus ni moins que la marée haute. Littré écrivait déjà, en 1863, que la locution battre son plein se dit de « la marée qui, arrivée à son plus haut point, reste stationnaire quelque temps avant de redescendre ». Voilà qui, sans conteste, rétablit notre son dans son statut d'adjectif possessif... et le conduit, des plus naturellement, à se transformer en leur au pluriel ! On écrira donc, sans l'ombre d'une hésitation, et à quelque déluge de décibels qu'elles aient donné lieu (Mireille Mathieu était de la partie), que les festivités ont battu leur plein, au soir du 6 mai : à la Concorde comme à la Bastille, il n'était nul besoin d'être étymologiste pour prédire que les résultats de l'élection donneraient lieu à... quelques vagues !