L'homme responsable du réchauffement...
Et la femme, alors ?

< dimanche 18 février 2007 >
Chronique

Tout beau, amie lectrice ! N'allez pas, sans nous avoir entendu, et sur la seule foi d'un titre un tantinet provocateur, nous taxer de misogynie galopante ! Notre perplexité, tranquillisez-vous, est avant tout d'ordre grammatical... Si nous avons sursauté, pourquoi le nier, en entendant Claire Chazal annoncer lors d'un récent vingt heures que réchauffement climatique il y avait bel et bien, et que l'homme en était, sinon le seul, du moins le principal responsable, c'est que nous nous sommes habitué à ce que l'on restitue à Ève ce qui lui revient de droit, et que lui avait indûment refusé, jusqu'ici, une langue réputée machiste. Quel est l'homme — ou la femme — politique qui, par les temps qui courent, se risquerait, sans craindre de s'aliéner plus d'une moitié de l'électorat, à évoquer le Parisien sans la Parisienne, le militant sans la militante, le travailleur sans la travailleuse ? Quand, sur ce dernier point, Arlette Laguiller serait loin d'avoir démérité, c'est incontestablement au général qu'il convient de rendre ce qui lui appartient : son célèbre « Françaises, Français » s'est révélé fondateur. Avant lui, en effet, on se contentait de parler des « Français », et tout le monde comprenait sans trop de peine que parmi eux il y avait aussi des Françaises. L'homme du 18 Juin a-t-il pensé un seul instant qu'en conférant à la forme masculine des noms de peuples un sens exclusivement masculin il allait contribuer à alourdir singulièrement notre syntaxe ? Marcel Boiteux, membre de l'Institut, ne se faisait pas faute, dès 1998, d'attirer notre attention sur le danger qu'il y aurait à généraliser le procédé : « Françaises, Français, ironisait-il, à chacune, chacun d'entre vous, soucieuse, soucieux de sa langue et chargée, chargé d'en défendre la beauté, je demande de prendre garde : celle, celui qui, au plus haut niveau, en sape les principes, qu'elle, qu'il songe aux dégâts que peut entraîner l'abandon du genre neutre, porté par le masculin. » Cet appel solennel est hélas resté lettre morte et, plus que jamais, l'on s'adresse aujourd'hui « à toutes celles et à tous ceux » qui auront à élire le président (ou la présidente !) de la République. Mais alors, pourquoi diable y aurait-il deux poids, deux mesures ? Et pourquoi la femme n'assumerait-elle pas linguistiquement sa part de responsabilité dans le trou de la couche d'ozone ? Une parité grammaticale bien comprise ne devrait-elle pas consister à partager les tares autant que les honneurs ?