Singapour : la raison profonde d'une débâcle

Le français hors Jeux

< mardi 12 juillet 2005 >
Chronique

En dépit d'une actualité autrement dramatique, tout, depuis près d'une semaine, a été avancé pour expliquer l'inexplicable, à savoir l'humiliante déroute de Paris — et de la France — à Singapour : le charisme d'un Sebastian Coe, l'activisme d'un Tony Blair, l'axe Londres-New York-Madrid, la naïveté de Français trop respectueux de la prétendue éthique olympique, les supposés effets pervers du non au référendum, la revanche du plombier polonais et jusqu'aux retombées de la guerre en Irak ! Tout, sauf une chose, et l'on ne nous en voudra pas de chercher à réparer cet oubli, d'autant que nous demeurons là dans le cadre de nos attributions : si la France pèse de moins en moins, c'est aussi — c'est surtout — parce que sa langue est devenue marginale. Quand on ne parle plus comme vous, on ne pense plus comme vous. Et, au bout du compte, on ne vote pas pour vous.

Un seul, aux étranges lucarnes, a eu l'impudence de lier cet «  affront fait à la France » à un français « en perdition » : Francis Luyce, président de la Fédération française de natation. Daniel Bilalian lui a ôté la parole. De toute évidence, ce genre de lucidité ne relève pas du « médiatiquement correct ». Et pourtant... Le rapprochement dût-il paraître à beaucoup dérisoire, qui n'a remarqué que depuis une éternité la France ne remporte plus non plus ce Concours Eurovision de la chanson qu'elle dominait souvent dans le passé ? Sa dégringolade dans le classement, régulière — trop régulière pour être attribuée à des critères exclusivement artistiques — n'a curieusement d'égale que la quasi-disparition du français dans les micros chargés de communiquer le résultat des votes. D'aucuns objecteront que cette mainmise de l'anglais était inévitable. Peut-être. On ne peut savoir : rien n'est ni n'a été fait pour promouvoir notre langue à l'extérieur de nos frontières, pour la défendre à l'intérieur. Pis : nos élites économiques ont toujours cru bon de faire allégeance à l'anglo-américain, renforçant du même coup ce « pôle anglo-saxon » qu'unanimement elles dénoncent aujourd'hui ! Cerise sur un gâteau déjà bien amer : quand le futur vainqueur Tony Blair se fendait d'un message en français — langue officielle de l'olympisme, pour combien de temps encore ? — aux membres du CIO, la défaite de Paris était, elle, annoncée... en anglais. Le français participe, il ne gagne plus. Mais si ceux qui nous gouvernent, à droite comme à gauche, considèrent, nouveaux Coubertins, que c'est là l'essentiel, pourquoi pas ?