La vraie solution aux pannes des régulateurs de vitesse

Offrez-vous un saint siège !

< mardi 17 mai 2005 >
Chronique

Jusqu'ici (et ce sera notre alibi linguistique du jour), le seul point commun entre l'automobile et le catholicisme était la custode, à la fois « partie latérale de la carrosserie, à l'aplomb des roues arrière », et « boîte à parois de verre — encore appelée lunule ou pyxide — dans laquelle le prêtre place l'hostie consacrée, pour l'exposer ou la transporter ». Les ouvrages spécialisés sont d'ailleurs d'une exemplaire discrétion dès lors qu'il s'agit de justifier cette commune dénomination, se contentant la plupart du temps de faire remonter le vocable et ses diverses acceptions au latin custos, odis, « garde ». Gageons que cet apparentement insolite doit en effet beaucoup à la notion de protection, du corps du Christ ici, de notre misérable carcasse là ! On était loin d'imaginer, cela dit, que ce cousinage étymologique plutôt ténu conduirait un jour à vouer à la voiture un culte proche de l'idolâtrie : en témoignent (voir l'excellente rubrique Le monde à l'envers de votre dernier journal dominical) les 188 500 euros qu'a coûté à son acquéreur l'ancienne voiture de Benoît XVI. Quand elle les vaudrait — il doit s'agir là d'un modèle entièrement automatique puisque, selon la rumeur, l'actuel souverain pontife n'aurait d'autre permis que celui de conduire sa papamobile —, jamais Golf n'aura produit un tel trou dans un budget ! Et tout cela n'est rien, précise-t-on béatement, à côté de ce que l'on espère tirer de la Ford Escort du futur bienheureux Jean-Paul II... Il est vrai que, par les temps qui courent et les régulateurs de vitesse qui s'enrayent, la sécurité n'a pas de prix. Voyager dans une voiture où plane nécessairement un reste d'Esprit saint, voilà qui a une autre allure que d'installer un banal saint Christophe sur son tableau de bord ! Sans compter qu'aux allégations sujettes à caution des radars il vous deviendra aisé de faire valoir que vous rouliez fatalement... à la papa ! Il n'empêche : dans le pays résolument laïc qui est le nôtre, tout laisse à penser que cet engouement pour les voitures de prélats finira par toucher les chars de l'État. Imaginez les cotes exorbitantes que pourraient atteindre bientôt le bus au colza de Bayrou, le vélo aux antiques cale-pieds de Sarko, le camion de déménagement d'Hervé Gaymard, voire l'ambulance qui a tout récemment conduit Raffarin au Val-de-Grâce ! Après tout, si cela peut éviter à cette dernière de se faire tirer dessus...