Le vœu du docteur Douste pour cet été

Que tout baigne dans l'huile !

< mardi 13 juillet 2004 >
Chronique

On ne dira jamais assez quel froid la canicule de l'été 2003 et ses macabres conséquences auront jeté au sein du gouvernement. Depuis un an, chacun a compris que l'objectif de ce dernier n'était plus d'assurer au plus grand nombre une place au soleil. Pour un peu, et sous le couvert de la politique sécuritaire voulue hier par Nicolas Sarkozy, on mettrait au contraire tout le monde à l'ombre si les places, en la matière, ne faisaient si cruellement défaut. Faute de mieux, c'est donc au ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, qu'il a été demandé de serrer la vis. Il était déjà interdit de griller un rouge, déconseillé de griller une sèche, voilà que l'on nous dissuade de griller tout court ! Et l'ancien maire de Lourdes de nous distiller ses remèdes miracle contre le hideux mélanome : ne pas sortir entre douze et seize heures (bon sens de Roselyne Bachelot, pas mort), porter un « tee-shirt » et, naturellement, se tartiner de crèmes solaires. On nous pardonnera ici de nous intéresser moins à ces lotions qu'aux huiles qui, le bon docteur Douste en tête, en préconisent l'usage. Le moins que l'on puisse dire, en effet, c'est que nos étymologistes ne rivalisent pas d'imagination pour expliquer comment ces huiles-là en sont venues à désigner des personnages influents. Si tous ou presque citent l'expression « nager dans les huiles », force est de reconnaître que cela ne nous aide guère à assimiler celles-ci aux « gros bonnets », dans lesquels on devine plus aisément ceux que portaient jadis magistrats et docteurs. Faut-il y voir un jeu de mots sur sardine... à l'huile, comme semblent le croire Jacques Cellard et Alain Rey, dans leur Dictionnaire du français non conventionnel ? La sardine, après tout, a désigné en argot un galon de sous-officier, quand cela resterait un peu en deçà des « grosses légumes » ici évoquées. Si la locution qui retient notre attention est bien née dans l'armée, la réalité est peut-être plus simple. « L'huile surnage », observe Claude Duneton. Tout comme la crème. Quant aux autres métaphores qui s'appliquent à l'élite, elles participent du même souci de prendre de la hauteur : la (fine) fleur s'épanouit au faîte de la tige, le gratin se forme à la surface du mets, le dessus du panier et les hautes sphères se passent de commentaire. Il reste à souhaiter que lesdites huiles fassent cette fois vinaigre en cas de coup dur. Sinon, elles pourraient bien se faire assaisonner à leur tour...