La réponse de Noël Mamère à la Chancellerie

Rira bien qui mariera le premier !

< mardi 1er juin 2004 >
Chronique

Elle n'est pas formidable, l'époque ? Il y a tout juste deux ou trois décennies, le mariage était raillé, moqué, brocardé. On n'avait pas assez de mots pour lui préférer l'union libre et le concubinage, nettement moins vieux jeu ; de bons mots pour flétrir cette vénérable mais poussiéreuse institution, inépuisable fonds de commerce de nos humoristes. On se répétait avec gourmandise celui de George Bernard Shaw : « On compare souvent le mariage à une loterie. C'est une erreur car, à la loterie, on peut parfois gagner. » Ou encore cet autre de Marcel Jouhandeau : « Les hommes naissent libres et égaux en droits. Seulement, par la suite, il y en a qui se marient. » Et voilà qu'aujourd'hui, au nom de cette égalité des droits précisément, se bousculent au portillon nuptial ceux que la nature, jusqu'ici, avait cru bon d'en dispenser ! Et voilà que le maire de Bègles, au risque de se faire... écharper, répond favorablement à la requête de deux homosexuels désireux de convoler en justes noces ! Au fait, sait-on toujours que cette expression n'est employée par les puristes que pour un remariage ? La huitième édition du Dictionnaire de l'Académie, sur la foi du bas latin juridique convolare ad secondas nuptias, va plus loin encore dans le raffinement : il s'agirait de « contracter un nouveau mariage... en parlant d'une femme » ! Force est pourtant de reconnaître que nos écrivains eux-mêmes ne se sont jamais outre mesure embarrassés de ces précisions. Pour un Voltaire qui les respecte (« Eriban avait une fort jolie femme qui convola avec un marchand arménien... »), combien de Montherlants qui les foulent aux pieds (« Cette scène semble faire prévoir que les héros convoleront... ») ? Convenons avec l'auteur des Olympiques que rien, dans l'étymologie du mot, ne justifie les restrictions de l'Académie : si curieux que cela puisse paraître de prime abord, convolare est le fruit de cum volare, « voler avec ». Entrait-il dans l'inconscient de nos forgeurs de mots quelque chose qui ressemblât au septième ciel ? Ne voyaient-ils dans le mariage qu'un moyen privilégié, révérence parler, de s'envoyer en l'air ? Ce qui n'est pas exclu, en tout cas, c'est que Noël Mamère escompte de l'aventure un envol... de sa cote de popularité. Tous les conseillers en image vous confirmeront que célébrer l'union, il n'y a rien de tel par les échéances électorales qui courent !