Le nouveau slogan de la téléréalité

Par mots et par veaux !

< mardi 20 avril 2004 >
Chronique

La preuve est faite qu'en matière de téléréalité — orthographe contestée et contestable, répétons-le, du Petit Larousse — on peut continuer à creuser quand le fond semble atteint. Et qu'au risque d'en ramasser une autre il se trouvera toujours des célébrités pour vous aider à tenir la pelle, pour peu qu'on le leur demande gentiment. Un Mouss Diouf, qui fréquente depuis belle lurette les poulets, ne pouvait qu'être de la partie. Un Pascal Olmeta aussi, tout étant préférable à une vie sans but. Quant à Élodie Gossuin, nul doute qu'elle n'ait voulu par là inciter ses tout frais collègues du conseil régional à aller plus souvent sur le terrain... La seule surprise réside dans la défection de Francis Cabrel : cette cabane au fond du jardin avait visiblement été construite pour lui !

Côté scénario, rien qui renouvelle le genre : des mots, comme il se doit, entre les protagonistes, dont certains ont, contexte oblige, un caractère de cochon ; et, une vacherie en amenant une autre, des veaux pour rabibocher tout ce petit monde autour du spectacle, forcément grandiose, de notre mère Nature. On ne demande qu'à croire Dechavanne — qui vivra... verrat, comme on dit dans les porcheries — quand il fait de tout cela un hymne à la terre. Pour l'heure, on se bornera à constater, une fois de plus, combien notre langue est redevable à la métonymie. Vous savez, ce « procédé par lequel un concept est désigné par un terme désignant un autre concept qui lui est relié par une relation nécessaire » ? (Définition Larousse, mais, que l'on se rassure, celle de Robert est tout aussi lumineuse.) Vous allez comprendre. Le mot ferme — qui s'en souvient, à part quelques juristes ? — renvoyait initialement à une convention par laquelle un fonds était donné à bail : le fermier tenait à ferme une exploitation agricole, c'est-à-dire en jouissait moyennant une redevance. C'est à un glissement de sens que la ferme doit d'être devenue « maison d'habitation d'une exploitation agricole », le fermier « personne qui exploite une terre, qu'elle en soit ou non propriétaire ». L'atteste le fermier général de Colbert, dont le seul rapport avec les cochons était son zèle à remplir la tirelire de l'État, en tant qu'il assurait... le recouvrement des impôts ! Merci à nos fermiers de Visan d'être tout cela à la fois : leur amour de la terre ne se nourrit-il pas de la commission qu'ils perçoivent au passage, et les votes surtaxés des téléspectateurs ne ressemblent-ils pas, à s'y méprendre, à un impôt indirect déguisé ?