Laïc ? Laïque ?

C'est bien là le hic...

< mardi 6 mai 2003 >
Chronique

Quand George Bush aurait résolu de faire porter le chapeau de son échec diplomatique à ces maudits Frenchies, tout indique que, de ce côté-ci de l'Atlantique, et en particulier au gouvernement, on s'efforce de garder la tête froide. Qu'on se le dise, ce n'est pas parce que Jean-Pierre Raffarin se l'est couverte sur le chantier du futur opéra de Pékin qu'il est disposé à casquer. Quant à son collègue — et néanmoins concurrent — Nicolas Sarkozy, il fait crânement la chasse à tout ce qui pourrait laisser croire que la France se voile la face : cagoule en Corse, foulard dans les écoles. Mais gardons-nous bien de nous fourvoyer dans des débats de société qui... décoiffent, bornons-nous à éclairer le lecteur sur la double orthographe d'un nom et d'un adjectif qui promettent de revenir, dans les prochains jours, sur le devant de la scène : laïc et laïque. Sait-on, d'abord, que ces piliers de notre république n'avaient, à l'origine, rien de bien gratifiant ? Le frère lai, doublet populaire des susnommés, ne se voyait confier, dans un monastère, que les tâches matérielles. C'est que pour l'étymologie (laïcus, « commun, du peuple ») il s'opposait au clerc, à celui, donc, qui avait reçu les ordres de cléricature, avec tout ce que cela supposait de compétence et d'instruction. On comprend que, par la suite, le laïc (ou laïque !) soit devenu celui qui, appartenant à la vie civile, était indépendant de toute croyance religieuse. Mais, pour en revenir à notre préoccupation initiale, quelle graphie retenir ? Force est d'avouer que la version laïque gagne chaque jour du terrain. Seule possible au féminin, elle tend à l'emporter aussi au masculin de l'adjectif, comme l'atteste l'expression « saint laïque », employée jadis par Pasteur à propos de Littré. Le masculin du nom n'est plus, lui-même, la chasse gardée de laïc : la forme en -que lui taille des croupières, notamment quand il s'agit de désigner un partisan de « la laïque », autrement dit de l'école publique. Paradoxalement, c'est peut-être là que réside l'ultime chance de survie pour un laïc désormais réduit à la portion congrue. Hors du contexte hexagonal de la querelle scolaire, il résiste mieux : on a pu évoquer ainsi, il y a peu, le régime laïc de l'Irak. L'ennui, c'est qu'au train où vont les choses il risque de ne plus le demeurer très longtemps...