L'intégralité des épreuves de la finale

La dictée de Bernard Pivot

< mardi 28 janvier 2003 >
Chronique

Ça va, la tête ?

Mon cerveau, m'interrogé-je présentement, commande-t-il mon humeur ou bien est-ce moi tout entier, dès que j'ai stoppé la sonnerie du réveille-matin, qui régis mon cerveau ? Pourquoi, aujourd'hui, l'esprit léger, ai-je envie de fariboles, de plaisanteries, de blagues, d'entourloupettes, et surtout pas de prêchi-prêcha ? Et pourquoi, demain, la mine pâlotte, m'abîmerai-je dans les réflexions amères d'un billettiste lugubre ? Suis-je l'esclave de mes neurones ou le maître de mon ciboulot ? Et ces questions que je suis censé librement me poser ne me sont-elles pas imposées, via mon génome, par mon cortex ?

(fin cadets et juniors)

Le cerveau ? Quèsaco ? À moins d'avoir une sacrée jugeote, il est difficile d'entrer dans des arcanes autant imbriqués. Notre cerveau est-il du ris d'homme ? Un tricot de subtiles synapses ? Un champ de caténaires microscopiques qui sont connectées à tout le système nerveux ? Une sorte de servomoteur ?

Bon, on ne va pas se prendre la tête avec le cerveau ! Les pinsons, les rouges-gorges aux trilles synchronisés, les pipits, les harfangs des neiges, les foulques parfois confondues avec les râles, ne se sont jamais posé une question aussi fute-fute. C'est qu'ils ont des cervelles d'oiseau(x) ! Tous des têtes de linotte(s) ! Même les grœnendaels et les juments bai cerise, certes dotés de têtes plus grosses, ne se sont jamais laissé embobiner par les interrogations des zoologistes.

Comme nous serions babas, cependant, d'entendre un âne, entre deux hi-han, braire : « Eurêka ! Je pense, donc je suis ! »

Notre commentaire :

Bon nombre de pièges sur les genres (arcane, caténaire, trille, foulque, voire synapse) dans cette dictée qui faisait également une large place à la conjugaison : tout au début du texte, l'adverbe présentement rendait impossibles les graphies m'interrogeais-je et m'interrogeai-je ; quant à m'abîmerai-je, il fallait, pour préférer le futur au conditionnel, s'être préalablement imprégné du sens de la phrase ! Rien que de très classique dans l'invariabilité des participes passés des verbes pronominaux posé (le c.o.d. suit) et laissé. Le servomoteur, enfin, était là pour rappeler le faible de Pivot pour les calembours...