Quand l'infinitif escorte le participe...

Ne vous laissez pas prendre sur le fait !

< mardi 9 avril 2002 >
Chronique

Plus imprévisible que les Français, tu meurs... Voilà des gens qui n'usent plus du subjonctif qu'à dose homéopathique mais qui, on l'a dit et redit, y recourent sans fausse honte dans le sillage d'après que ; qui jettent de plus en plus notre ne explétif aux oubliettes de la langue mais ne se font jamais faute de l'utiliser... quand il n'a pas de raison d'être, par exemple après la locution sans que ; qui, depuis belle lurette, et imitant en cela certain présentateur du journal bien en cour, n'accordent plus le participe passé quand un complément d'objet direct avant-coureur le réclame... mais mettent un point d'honneur à le faire dès que la grammaire l'interdit ! Combien de fois ne nous extasions-nous pas, en effet, devant la robe que notre voisine « s'est faite faire », voire devant la façade qu'elle « a faite repeindre » par son mari ? La consigne est pourtant, dans ce cas précis, aussi formelle que simpliste : le participe passé du verbe faire est toujours invariable quand il est suivi d'un infinitif ! Elle n'est pas belle, cette vie qui vous autorise à écrire, sans que vous ayez à vous soucier de l'accord : « La candidate de Lutte ouvrière s'est fait asticoter par Emmanuel Chain », ou encore « Les huiles du département se sont fait caillasser dans cette zone de non-droit » ? D'autant que cette sinécure est contagieuse et a vocation à s'étendre, si l'on en croit nos linguistes les moins tolérants, à certaines expressions figées où l'infinitif brille surtout par son absence : « Les gazettes se sont fait l'écho du lapsus du Premier ministre » ; « Si Roselyne Bachelot s'est faite aussi belle — accord classique pour ce participe suivi d'un attribut du c.o.d. —, c'est parce qu'elle s'est fait fort de conduire Chirac à la victoire ». Voilà qui relève, à n'en pas douter, de l'impunité grammaticale zéro ! Au demeurant, il ne suffit pas toujours d'obéir aux lois de la syntaxe pour demeurer, à coup sûr, dans les limites du bon goût. Quand la revue de presse d'une station périphérique, le 1er avril au matin mais ce n'était hélas là qu'une coïncidence, précise que « la vierge kamikaze de Bethléem s'est fait sauter » au milieu de la foule, la grammaire, une fois n'est pas coutume, est en tout point respectée. On ne nous ôtera toutefois pas de l'idée que, compte tenu des circonstances et du contexte, il existait des tours plus élégants...