Un taliban, ça va... Au-delà, bonjour les dégâts !

Un ennemi supérieur en nombre

< mardi 15 janvier 2002 >
Chronique

Insaisissables, les talibans le sont d'abord sur le terrain. En témoigne cette vision rocambolesque d'un Omar présumé cuit — on nous le promettait déjà à l'américaine — et qui, pour ne pas se faire pincer, échappe, plus mollah que mollo, à la meute de ses poursuivants, juché sur une moto fort peu coranique ! Mais ils le sont plus encore dans la presse écrite où le s du pluriel leur tient lieu de barbe postiche. Quand, dans les jours qui suivirent les événements du 11 septembre, Le Figaro, Libération, Le Parisien, Le Point, L'Express et VSD s'en prenaient aux « taliban », Le Monde, Le Journal du dimanche, Le Canard enchaîné, Le Nouvel Observateur, Marianne et Paris Match montraient du doigt les « talibans ». Il ne vous aura d'ailleurs pas échappé que votre quotidien préféré s'est rangé d'emblée sous cette bannière de la francisation. Avec juste raison, selon nous. Non que l'invariabilité ait jamais constitué une faute, elle relèverait plutôt de la tradition et le Petit Larousse s'en porte toujours garant. Mais parce que le maintien d'un pluriel étranger ne nous paraît avoir de légitimité que dans la mesure où le singulier est, lui aussi, resté vivace sous sa forme locale. Or, pas plus que les dictionnaires usuels ne recensent les singuliers talib ou taleb, les partisans de l'invariabilité ne reculent devant « un taliban », ce qui, au regard des lois grammaticales françaises, entretient une dangereuse confusion entre singulier et pluriel. L'Académie française partage visiblement notre point de vue puisque le chargé de mission du service du Dictionnaire, répondant à une question que lui posait récemment l'association Défense de la langue française, laisse entendre que « tout parle en faveur de la forme francisée les talibans (comme les pasdarans, les fedayins ou, dans l'usage courant, un touareg, des touaregs, et non un targui, des touareg ». Pour ajouter, quelques lignes plus loin : « Conserver les formes de la langue d'origine quand un mot entre dans l'usage français commun revient à introduire inutilement des exceptions, qui sont autant de complications. » On allait le dire. Et l'on serait tenté, plus encore, de pasticher Giraudoux dans la dernière phrase de son Électre : « Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s'appelle l'intégration. »