Bordeaux mis au pas... de Calais

Vous avez dit « amateur » ?

< mardi 18 avril 2000 >
Chronique

À ce stade (si l'on ose dire !), il s'agit de bien autre chose que de football. La Fontaine en eût fait une fable, La Rochefoucauld une maxime. Charles Perrault un conte, s'il n'avait déjà beaucoup donné avec Cendrillon et le Petit Poucet, véritables chouchous des médias par les articles dithyrambiques qui courent. Le chroniqueur du langage ne devrait par conséquent nourrir aucun complexe en sortant, pour une fois, de ses attributions. En criant, en supporteur nordiste qui se respecte, sa joie d'avoir vu ce Bordeaux que l'on présentait comme un grand cru prendre une piquette. En se réjouissant que Calais, qu'un budget modeste contraignait trop souvent à faire la manche, voie enfin le bout du tunnel. En compatissant à la mauvaise fortune (façon de parler, là encore) de ces stars qui en ont plein les bottes de chausser celles de l'ogre alors qu'au final (comme disent de nos jours ceux pour qui user de finalement serait déchoir) ce sont elles qui se font bouffer. Mais c'est ici que le naturel dudit chroniqueur, aidé en cela par le souci de justifier ses émoluments, revient au galop : la victoire, quand il paraîtrait aisé de l'assurer après coup, était écrite dans l'étymologie. Faut-il rappeler qu'avant d'accuser cette nuance péjorative que l'on ressent plus encore dans amateurisme, l'amateur, qui descend en droite ligne du verbe latin amare, était tout bonnement « celui qui aime » ? Au Moyen Âge, il fut même l'« ami » : qui, aujourd'hui, ne se piquerait d'être celui des Calaisiens ? Ce n'est qu'au XIXe siècle, avec Stendhal notamment, que le terme s'est en partie dévalorisé, au point de qualifier une activité exercée négligemment, de façon non professionnelle, pour ainsi dire en dilettante. Jusque-là — et cette acception positive s'est heureusement maintenue dans amateur d'art —, le mot connotait par-dessus tout la passion. Fût-il pratiqué avec toute la conscience... professionnelle du monde, le métier peut-il quelque chose là contre ? Les Nantais, décidément, n'ont qu'à bien se tenir. On sait que, par atavisme, ceux-là ne s'embarqueront pas sans biscuit. Il n'empêche : ces Canaris feraient bien de surveiller leur cage !