L'orthographe aussi aura son bogue !

Chronique d'une mort annoncée

< mardi 28 décembre 1999 >
Chronique

Et si le bogue dont on nous rebat les oreilles depuis des années en cachait un autre, grammatical celui-là ? Oh ! rien qui empêche la Terre de tourner, tranquillisez-vous... Il y a même gros à parier que le phénomène passera inaperçu et que cette chronique sera la seule à en faire état. Et pourtant, quelle similitude entre ces deux bogues ! Imaginez une règle orthographique dont on a toujours su — à commencer par ceux qui l'ont formulée — qu'elle ne franchirait pas le cap fatidique de l'an 2000... Impossible, vous récrierez-vous : notre grammaire est, par définition, à l'abri des variations saisonnières. S'il se produit parfois (et même souvent) que le temps et l'usage infléchissent la règle, cette dernière, au moment de sa conception, n'en est pas moins construite pour durer. Nos immortels notamment, qui ont l'éternité linguistique devant eux, ne sauraient être comparés à ces programmeurs à courte vue, dont la légèreté d'hier est à l'origine de nos problèmes d'aujourd'hui. Eh bien, détrompez-vous : cette règle-là existe ! Elle concerne l'orthographe de mille. Pour peu qu'on l'applique scrupuleusement, l'an neuf devrait en effet sonner le glas de la variante mil, jusqu'ici toujours en vigueur dans l'écriture des dates. Par le passé, le bon usage voulait même que l'on n'usât que de cette graphie pour celles de l'ère chrétienne, dès lors que mil était suivi d'un autre nombre : les usagers respectueux de la norme écrivaient donc l'an mille, mais mil sept cent quatre-vingt-neuf. Seulement voilà : il a toujours été entendu que ce mil, issu du latin mille, ne pourrait convenir qu'à un seul millier, au contraire de notre moderne mille qui, pour rester invariable, se multiplie aussi aisément que le latin milia dont il dérive. Ce bon vieux mil n'a donc plus que trois jours à vivre. Une bonne nouvelle, malgré tout, pour tous ceux qui restaient inconsolables à l'idée que l'an deux mille n'apporterait décidément rien de bien neuf : ni siècle nouveau, ni nouveau millénaire... n'en déplaise aux médias qui continuent à vendre, avec un entêtement qui finirait par être attendrissant s'il n'était aussi intéressé, le « dernier bêtisier du siècle » !