Quand Larousse scalpe la Deûle...

L'orthographe à vau-l'eau

< mardi 19 octobre 1999 >
Chronique

À n'en pas douter, tout a été dit sur le Petit Larousse de l'an deux mille. Sur ses quatre-vingts planches originales, pour beaucoup consacrées aux objets, aux hommes et aux œuvres qui ont marqué le siècle, et qui en font un authentique (et superbe) objet de collection. Sur ses réticences à l'égard des néologismes, alors même que son rival et néanmoins associé le Robert (l'un et l'autre font désormais partie du même groupe) s'engage « à donf » sur ce terrain pour le moins mouvant, au point de cautionner ouf, keum, zarbi et autres trouvailles issues du verlan. Sur l'entrée, au panthéon des noms propres, de Céline Dion, chanteuse ô combien à la coule depuis sa participation au naufrage du Titanic. Tout, vous dit-on... sauf peut-être l'essentiel pour les nordistes impénitents que nous sommes : notre Deûle tutélaire n'y a toujours pas recouvré son accent circonflexe, lequel a sombré corps et biens, Neptune seul sait pourquoi, lors de l'édition 1998. À l'époque, convenons-en, nul ne s'était affolé outre mesure : les meilleurs dictionnaires sont coutumiers de ces volte-face, qui nous rappellent des plus opportunément que l'orthographe n'a rien d'un long fleuve tranquille. Ce n'est certes pas le protomé (pour ceux qui l'auraient oublié, « élément décoratif constitué par un buste humain ou un avant-train d'animal ») qui nous dira le contraire, lui dont on n'a pas hésité à faire un transsexuel notoire en le proclamant masculin en 1996, féminin en 1998, puis de nouveau masculin en 2000 ! Voilà pourquoi nous attendrons, prudence oblige, que l'invariabilité flambant neuve des adjectifs bécarre, dièse et bémol nous soit confirmée en 2001 ; que ce trait d'union qui, pour la première fois, tient lieu d'embrasse aux doubles-rideaux survive au faste annoncé du prochain réveillon. Pour ce qui est de la Deûle, en revanche, il a coulé assez d'eau sous les ponts qui l'enjambent pour que l'on prenne l'initiative de mettre nos lexicographes... au courant. Les gens du Nord ont, par le passé, souvent porté le chapeau : n'allons pas, de grâce, le leur ôter à présent qu'ils y tiennent !